Grande-Bretagne : l’Irak et les faux remords de Tony Blair28/10/20152015Journal/medias/journalnumero/images/2015/10/2465.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Grande-Bretagne : l’Irak et les faux remords de Tony Blair

L’ancien Premier ministre britannique Tony Blair a choisi une émission de la chaîne américaine CNN, le 26 octobre, pour se livrer à une sorte de mea culpa sur le fait d’avoir envoyé l’armée britannique en Irak, en 2003, à la suite de Bush.

Mais qu’on ne s’y trompe pas : le sort des populations ne tient aucune place dans ce revirement pour le moins tardif. Pas plus qu’il ne concerne les autres aventures militaires de Blair, de l’ex-Yougoslavie à l’Afghanistan, en passant par la Sierra Leone.

Si Blair a des remords, c’est uniquement pour avoir contribué à la déstabilisation de la région. En fait, il va même jusqu’à admettre ce que la plupart des leaders politiques des pays concernés nient, à savoir que sans la guerre d’Irak Daech n’existerait probablement pas aujourd’hui. Mais là s’arrêtent ses véritables remords.

Il peut bien regretter d’avoir basé l’envoi des troupes sur des informations fausses – mais pas son fameux dossier bidon, fabriqué de toutes pièces, sur les armes de destruction massives de Saddam Hussein. Il peut même « présenter ses excuses pour certaines erreurs qui furent commises, tant en matière de planification que dans notre estimation des conséquences qu’entraînerait la chute du régime [de Saddam Hussein] ».

Mais, pour ce qui est de l’invasion de l’Irak elle-même, Blair persiste et signe, affirmant que personne ne lui fera regretter d’avoir éliminé Saddam Hussein. Au diable les conséquences, tout est dit !

En fait, ce ne sont pas des troubles de conscience qui ont poussé le très catholique Blair à se livrer à cette timide confession médiatique, mais la publication prochaine du rapport très attendu de la commission d’enquête sur la participation britannique à la guerre d’Irak.

Formée en juin 2009 par le successeur de Blair, Gordon Brown, cette commission, présidée par John Chilcot, a terminé ses audiences publiques en 2011. Elle aurait publié son rapport final depuis longtemps sans le blocage des plus hautes instances de l’État, déterminées à l’expurger de tout ce qui pourrait être mal vu de Washington – en particulier des notes concernant les rapports directs entre Blair et Bush.

Aujourd’hui, le gouvernement Cameron semble avoir décidé d’en autoriser la publication – peut-être en partie parce que cela l’arrange bien face à un Parti travailliste dont la plupart des députés ont soutenu la guerre en Irak, même si ce ne fut pas le cas de son nouveau leader, Jeremy Corbyn.

On ne trouvera sans doute pas de révélations fracassantes dans ce rapport énorme qui comporterait un million de mots. D’autant que ses cinq rédacteurs ont été sélectionnés au sein du Conseil privé de la Reine, institution où la raison d’État passe avant tout.

En montant au créneau, Blair a sans doute voulu anticiper cette publication, en assumant par avance, en son nom personnel, la responsabilité des erreurs que tout le monde connaît et s’attend à retrouver dans ce rapport. Ayant quitté la politique pour une carrière autrement plus profitable, Blair reste un homme de la bourgeoisie pour qui la raison d’État prime.

Mais cela suffira-t-il à laver l’appareil d’État et les grands partis de la bourgeoisie britannique de toute responsabilité ? Sans doute pas, car le seul fait de publier ce rapport ne peut que raviver le souvenir d’une guerre qui avait suscité une profonde hostilité, en particulier dans les classes populaires.

Or, aujourd’hui, Cameron ne fait pas mystère du fait qu’il cherche une occasion pour se lancer dans une aventure militaire en Syrie, afin d’assurer à la Grande-Bretagne une place dans un futur règlement politique régional. Alors, il faut souhaiter que ce rappel du passé honteux de la guerre d’Irak contribuera à renforcer l’opposition populaire aux ambitions militaristes de Cameron.

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