États-Unis : La Nouvelle-Orléans, 10 ans après Katrina02/09/20152015Journal/medias/journalnumero/images/2015/09/2457.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

États-Unis : La Nouvelle-Orléans, 10 ans après Katrina

Pas moins de trois présidents sont venus pour célébrer la reconstruction de La Nouvelle-Orléans, dix ans après que le cyclone Katrina a dévasté la ville et sa région, le 29 août 2005. 80 % de la ville avaient été submergés par les flots, plus de 1 800 personnes ont été tuées, des centaines de milliers d’autres ont dû abandonner leur maison.

Aujourd’hui, Obama se félicite que La Nouvelle-Orléans se soit relevée et rappelle que le projet n’était pas de reconstruire la ville « telle qu’elle était, mais telle qu’elle aurait dû être », une ville où chacun a sa chance.

Effectivement, les autorités ont profité des destructions engendrées par Katrina pour remodeler la ville. Avant Katrina, La Nouvelle-Orléans comptait 455 000 habitants dont plus des deux tiers noirs. Aujourd’hui, ils ne représentent plus que 60 % de la population : 115 000 Noirs ne sont pas revenus habiter dans les quartiers pauvres, qui sont encore largement sinistrés, les maisons n’ayant pas été reconstruites. Dans ces quartiers, seulement un quart à un tiers des habitants ont pu revenir. Et La Nouvelle-Orléans compte plus d’un quart de nouveaux habitants, dont la plupart sont blancs et plus aisés. Le quartier français a été reconstruit et le tourisme est en plein développement. Il y a 600 restaurants de plus qu’avant Katrina !

Se débarrasser de toute une partie de la population noire la plus pauvre a été une politique consciente et délibérée. Un témoin blanc, cité par Gary Rivlin, l’auteur d’un livre sur Katrina, raconte : « Il était impossible d’ignorer ce sentiment que c’était là notre chance de reprendre le contrôle de la ville. Le consensus tacite parmi les Blancs était que les autorités ne devaient rien faire qui facilite le retour des Noirs. »

Immédiatement, après le passage du cyclone, un des premiers actes des autorités a été de fermer l’hôpital public, Charity Hospital, alors même qu’il avait été nettoyé et remis en état par le personnel pour accueillir les malades et les blessés. Ce grand hôpital, qui depuis deux siècles soignait y compris les pauvres et ceux qui n’avaient pas d’assurance médicale, doit être remplacé par un complexe hospitalier à gestion privée qui vise une clientèle fortunée, au détriment sans aucun doute des soins pour les pauvres.

Katrina avait détruit la plupart des écoles. Les autorités en ont profité pour les remplacer par des Charter schools, des écoles à financement public mais à gestion privée, qui dispensent en général un enseignement au rabais. George Bush est venu se féliciter de ce changement et vanter les performances du nouveau système, performances d’autant plus biaisées que la population la plus pauvre n’est plus là. Le ministre de l’Éducation d’Obama, Arne Duncan, a osé affirmer que « Katrina était la meilleure chose qui soit arrivée au système éducatif de La Nouvelle-Orléans ! »

Les autorités ont tout fait pour ne pas indemniser ceux qui n’avaient pas une assurance habitation contre le vent, estimant que le vent était responsable et non pas l’inondation, ce qui aurait été de la responsabilité des pouvoirs publics ! Quant aux locataires, ils n’ont rien eu. C’est dire que les plus pauvres n’ont pas été indemnisés.

Les autorités ont détruit les immeubles locatifs publics encore debout, mais ceux qui ont été reconstruits à la place n’offrent plus que 40 % de logements à loyer modéré, si bien que dans cette ville, où plus de la moitié des habitants sont locataires, les loyers ont grimpé de 40 %, désormais bien trop élevés pour une partie des anciens habitants. C’est ainsi qu’un élu au Congrès a pu dire que Dieu avait finalement accompli ce que d’autres n’avaient pas pu faire, se débarrasser des habitations à loyer modéré. Le prix des maisons a doublé dans certains quartiers noirs et la taxe foncière a doublé elle aussi. Quant aux assurances habitation, elles ont triplé !

C’est dire que si, parmi les Blancs, une majorité se dit satisfaite du renouveau de La Nouvelle-Orléans, les trois cinquièmes des Noirs ne reconnaissent plus leur ville, regrettent leurs voisins et leurs amis qui ne reviendront jamais. « Ça ne peut plus être La Nouvelle-Orléans sans les personnes qui l’ont construite », regrette une habitante.

En revanche ce qui n’a pas changé, c’est que « si La Nouvelle-Orléans était frappée à nouveau par un puissant cyclone, les digues pourraient à nouveau céder ou être submergées. Les mêmes quartiers populaires noirs, situés en contrebas, qui avaient été sévèrement touchés et qui n’ont pas été bien réhabilités depuis, pourraient être à nouveau complètement inondés. Il n’y a toujours aucuns moyens de transports collectifs pour évacuer rapidement la population. Il n’y a pas plus de place dans les hôpitaux. En d’autres termes une catastrophe naturelle pourrait à nouveau se transformer en catastrophe sociale. »Tel est le constat fait par les militants de The Spark, organisation trotskyste américaine, dans un éditorial intitulé « Des milliers de milliards pour les parasites de la finance, des centimes pour notre sécurité. »

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