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Leur société
Téléphonie mobile : manœuvres entre requins
Finalement Bouygues Telecom, l’opérateur de téléphonie mobile, a décidé de rejeter mardi 23 juin l’offre de rachat de Numericable SFR, une décision prise à l’unanimité selon son PDG, Martin Bouygues. On ne sait pas si c’est une décision définitive ou un refus pour faire monter les enchères. En tout cas, depuis l’annonce dans le Journal du dimanche du 21 juin de l’offre de Numericable, c’était le branle-bas de combat dans ce secteur. Bouygues Telecom est-il à vendre et à quel prix (on parlait de 10 à 11 milliards d’euros proposés par Numericable) ? Quelles seront les conséquences du rachat sur les tarifs et les emplois ?
D’ores et déjà, à la Bourse de Paris, les actions des quatre opérateurs avaient flambé dès le 22 juin : plus 13,24 % pour Bouygues, plus 14,15 % pour Numericable, plus 10,39 % pour Free et plus 7,49 % pour Orange. Tous se félicitant de ce rachat qui permettrait de revenir à trois opérateurs qui contrôleraient plus de 85 % du marché. Cette situation de quasi-monopole leur assurant des profits encore plus importants, dans un secteur à haute technologie déjà très profitable pour les actionnaires (2 milliards d’euros en 2014 pour Orange).
L’arrivée de Free en 2012 dans le secteur avait un peu forcé les trois géants à rogner sur leurs bénéfices car Free avait proposé des tarifs réduits. Mais le secteur restait largement bénéficiaire au point qu’un nouveau larron s’est présenté, en 2014, en la personne de Patrick Drahi, patron de Numericable, qui a racheté SFR pour plus de 13 milliards d’euros à la barbe de Bouygues, qui était aussi sur les rangs. Drahi s’est fait une spécialité de ces rachats car, après SFR, il rachetait dans la téléphonie Virgin Mobile, Portugal Telecom et l’américain Suddenlink, spécialiste des câbles téléphoniques. Au total, Drahi a mis plus de 30 milliards d’euros sur la table auxquels s’ajoutent aujourd’hui les 10 proposés pour racheter Bouygues.
La méthode Drahi c’est, comme le dit The Economist, « emprunte, achète, coupe ». Son succès repose sur la confiance que lui accordent pour le moment les banquiers qui lui prêtent ces 40 milliards d’euros qu’il n’a pas. Mais pour que cette confiance persiste, il faut aussi que Drahi « coupe ». Il a donc annoncé 1,1 milliard d’économies par an chez SFR et s’il a promis de ne pas licencier pendant trois ans, il a précisé « sauf revirement économique imprévisible » et a d’ores et déjà supprimé les augmentations individuelles. Les 10 500 salariés de Numericable-SFR et les 8 800 de Bouygues ont donc toutes les raisons de craindre pour leurs emplois et leurs salaires.
Ce ne sont pas les déclarations de Valls qui peuvent les rassurer. Celui-ci vient de fixer cinq conditions pour la reprise de Bouygues ; il demande la qualité de service pour le consommateur et le maintien de l’emploi « qui doit être préservé et développé ». Mais Drahi sait parfaitement que ces déclarations sont à l’usage du grand public, qui malheureusement sait quoi penser des promesses des opérateurs sur les tarifs et la qualité de service… Qui n’a pas eu maille à partir avec eux pour simplement obtenir que son téléphone ou son ordinateur fonctionne ?
À terme la mise en coupe réglée du marché par les trois géants de la téléphonie sera grosse de dangers pour les emplois et la qualité du service, car ils savent s’entendre pour accumuler, grâce au travail de leurs employés, une vraie rente sur le dos des utilisateurs.