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Burundi : révolte contre un pouvoir corrompu et répressif
Depuis bientôt un mois, les manifestants affrontent la police à Bujumbura, la capitale du Burundi. Ils veulent empêcher l’actuel président, Pierre Nkurunziza, de briguer un troisième mandat. Une partie de l’armée a tenté de profiter de l’occasion pour s’emparer du pouvoir par un coup d’État le 13 mai, mais elle a échoué. Cependant les manifestations contre Nkurunziza ont aussitôt repris, plus durement réprimées. Les manifestants, accusés d’être complices des putchistes, doivent désormais affronter des militaires lourdement armés.
Pierre Nkurunziza est au pouvoir depuis 2005. Il détourne avec son clan une grande partie des richesses du pays, l’un des plus pauvres du monde. En octobre dernier, un scandale avait ainsi éclaté à propos de l’octroi sans appel d’offres d’une licence d’exploitation du nickel à une société sud-africaine. Celle-ci avait en retour versé de l’argent sur le compte présidentiel « Appui aux bonnes initiatives » et fait cadeau à sa femme d’un somptueux véhicule. L’achat d’un avion présidentiel, avec des fonds destinés à équiper les soldats burundais intervenant dans la mission de l’Union Africaine en Somalie, a lui aussi défrayé la chronique.
Nkurunziza fait régner la terreur. De nombreux opposants ont été assassinés. La milice de jeunes du président, les Imbonerakure, impose sa loi dans les quartiers et les villages, où elle marque en ce moment les portes des opposants, les désignant ainsi à un futur massacre. Dans ces conditions, plus de 100 000 Burundais ont déjà fui vers les pays voisins, Rwanda, Tanzanie ou République démocratique du Congo.
Aujourd’hui, Nkurunziza s’accroche au pouvoir et à la source de revenus qu’il signifie. Les grandes puissances, et notamment les États-Unis, s’en inquiètent. Elles ne souhaitent pas voir se reproduire un scénario semblable à celui du Burkina Faso, où l’obstination du président Bozizé avait abouti à une insurrection populaire. Comme ailleurs en Afrique, elles préféreraient réussir à persuader les dictateurs en place de passer en douceur le relais à d’autres hommes prêts à servir l’impérialisme, quitte à s’enrichir au passage, et il n’en manque pas.
Mais, pour la population, le problème est tout autre. Pour se débarrasser de ce régime corrompu, il s’agit d’abord de ne pas se laisser diviser, notamment entre Hutus et Tutsis. Comme au Rwanda, qui formait avant l’indépendance en 1962 une seule colonie avec le Burundi, les anciens colonisateurs belges ont attisé les oppositions ethniques. En octobre 1993, le coup d’État pendant lequel avait été assassiné le président hutu Melchior Ndadaye avait plongé le pays dans une guerre civile qui avait précédé celle du Rwanda voisin. Les rivalités entre les deux communautés avaient été exacerbées par les dirigeants politiques et, lorsque le conflit se termina en 2005, des centaines de milliers de Burundais avaient péri.
Ces oppositions semblaient avoir été surmontées ces dernières années, mais l’entourage de Nkurunziza tente de les attiser à nouveau, stigmatisant par exemple les quartiers révoltés comme des repaires de Tutsis.
Nkurunziza semble prêt à tout pour garder le pouvoir. Mais malgré la répression, nombreux sont ceux qui ne veulent pas lui accorder de sursis et sont prêts à risquer leur vie dans la rue pour le dire.