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- Lutte ouvrière n°2440
- 8 mai 1945 : la fin de la Seconde Guerre mondiale mais pas du système qui l’a engendrée
il y a 70 ans
8 mai 1945 : la fin de la Seconde Guerre mondiale mais pas du système qui l’a engendrée
À 70 ans du 8 mai 1945, l’anniversaire de la défaite de l’Allemagne ne manquera pas de prendre un certain relief. Comme à chaque commémoration de la fin de la Deuxième Guerre mondiale en Europe, celle-ci sera célébrée comme « La victoire de la démocratie sur le nazisme », « La paix et la liberté retrouvées » auxquels s’ajoutera « Plus jamais ça ». Ce sont là autant de mensonges pour faire oublier que l’effroyable massacre et l’immense champ de ruines que ce deuxième conflit mondial a engendrés est à mettre au compte de la rivalité entre impérialismes rivaux, de la guerre économique entre capitalistes concurrents.
Le 8 mai 1945 ne marque pas la défaite des « forces du bien » contre les « forces du mal », mais la victoire d’un impérialisme sur les autres dans la lutte incessante qu’ils se mènent pour dominer le monde. Et ce système impérialiste, qui règne plus que jamais sur la planète, reste tout aussi capable qu’il y a 70 ans de la jeter dans des conflits sanglants.
Une immense boucherie
La Seconde Guerre mondiale fut le conflit le plus meurtrier de toute l’histoire de l’humanité au point que le nombre de victimes est impossible à chiffrer précisément, approchant les 70 millions de morts !
Les civils payèrent, et de loin, le plus lourd tribut. 40 millions d’hommes, de femmes et d’enfants furent bombardés, massacrés, affamés. Pour ce qui concerne les militaires, 20 millions de soldats, sur les 70 millions mobilisés, ne revinrent pas de cette tuerie. Et six millions de Juifs mais aussi de Tziganes et d’autres minorités périrent dans les camps.
Au sortir des cinq années de barbarie, des villes comme Berlin, Varsovie, Stalingrad étaient presque totalement détruites. Dresde, Hambourg, Leningrad, pour n’en citer que quelques-unes, étaient des champs de ruines. Et Hiroshima et Nagasaki allaient le devenir en août 1945 avant la défaite du Japon.
À la fin de la guerre, des millions de personnes, ayant tout perdu, erraient sur les routes, traumatisées par les bombardements. Au mieux, elles se logeaient dans des caves. La famine faisait des ravages et pendant des années, la simple subsistance allait dépendre des cartes de rationnement. Nombre de routes, de ponts, de voies ferrées, de ports, étaient hors d’usage. Nombre d’usines étaient bombardées, détruites.
Victoire de la démocratie sur la barbarie ?
Après les terribles années de souffrance et face à ce désastre, la fin de la guerre fut ressentie comme un immense soulagement par les populations. Le 8 mai marqua, au moins en Europe, la fin de la guerre et de ses horreurs, ce que les dirigeants des pays vainqueurs présentent comme la victoire des démocraties sur le nazisme.
Certes, la guerre avait été déclenchée par le régime nazi au pouvoir en Allemagne. Mais quand Hitler était arrivé au pouvoir après l’écrasement de la classe ouvrière allemande, ni la France ni l’Angleterre n’étaient intervenues. Elles n’entrèrent en guerre que quand elles estimèrent que leurs intérêts économiques seraient menacés par la puissance croissante de l’Allemagne. De même, si les États-Unis intervinrent en invoquant la liberté et la démocratie, il s’agissait pour eux d’asseoir leur position de première puissance mondiale qui semblait menacée par les puissances de l’Axe.
Prétendre que la Deuxième Guerre mondiale fut une guerre de la démocratie contre le fascisme est une mystification. Elle fut une guerre entre impérialismes rivaux – comme l’avait été la Première Guerre mondiale. La victoire des « alliés » fut la victoire d’un impérialisme sur un autre mais ne remit pas en cause le système capitaliste qui avait engendré ces deux guerres successives.
Les dirigeants des pays capitalistes européens se félicitent encore des « trente glorieuses », des trente années de développement économique qui auraient suivi la fin de la guerre. Outre qu’elles ne furent pas glorieuses pour tout le monde et qu’elles ne durèrent pas trente ans, elles prirent pied sur les destructions et les ruines de la guerre. Elles n’eurent pour effet que de reconstruire un monde capitaliste où demeure la menace permanente de nouveaux conflits.
Plus jamais ça ?
Le 8 mai 1945 a mis fin à une guerre, mais pas aux guerres. Depuis, il n’y a pas eu 70 ans de paix, mais 70 ans de conflits incessants et toujours pour les mêmes raisons.
Au lendemain même de la Seconde Guerre mondiale, les guerres coloniales menées par l’impérialisme français en Indochine et en Algérie, puis les guerres qui ont suivi la décolonisation de l’Afrique ont été marquées par autant d’atrocités. C’est avec une même violence que les États-Unis sont intervenus en Corée, au Vietnam et en Irak. Soutenus par les impérialismes de second ordre, ils continuent d’intervenir aujourd’hui où ils veulent et quand ils veulent. Le Moyen-Orient est à feu et à sang. De nouveaux foyers de tension ont éclaté dans les Balkans, en Ukraine… Depuis 70 ans, combien tous ces conflits ont-ils fait de victimes ? Sans doute autant et finalement avec les mêmes atrocités que celles commises pendant la Deuxième Guerre mondiale.
À la fin de la Première Guerre, la colère des peuples avait déchaîné une puissante vague de révolte qui avait engendré la Révolution russe et déferlé sur un grand nombre de pays européens dont l’Allemagne. Malheureusement, l’URSS issue de la révolution était restée isolée et le système impérialiste avait connu un sursis au prix de dictatures comme celle du fascisme en Italie et du nazisme en Allemagne.
Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, pour les dirigeants des impérialismes vainqueurs, il n’était pas question de prendre le moindre risque qu’une situation révolutionnaire se reproduise. Ils prirent toutes leurs précautions, aidés en cela par les dirigeants de l’URSS stalinienne, eux-mêmes impliqués dans la guerre mondiale, qui firent tout pour que celle-ci ne se transforme pas en guerre révolutionnaire. De leur côté dans les pays occidentaux, les partis communistes vinrent à la rescousse des partis bourgeois, les aidèrent à remettre en place les États capitalistes, à reconstruire leur économie et à remettre en selle la bourgeoisie.
L’attitude du Parti communiste français qui, en mai 1945, faisait partie du gouvernement provisoire de De Gaulle, est à cet égard tout un symbole. Quand l’armée coloniale déclencha une répression féroce contre les manifestants algériens qui revendiquaient l’indépendance de leur pays, le PCF se montra solidaire, pas des manifestants algériens mais du gouvernement et de son armée. Il n’était alors pas question pour la bourgeoisie française de se passer de ses colonies et le PCF l’aida à s’y maintenir.
En ce 8 mai 2015, on peut dire que le monde a payé cher, payé de 70 années de conflits incessants, l’absence de révolution au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale. Ces 70 années de sursis données à l’impérialisme laissent entiers tous les problèmes posés par la survivance de ce système d’exploitation et d’oppression, générateur de crises et de guerres.