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- Lutte ouvrière n°2439
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Déboires de l’EPR : incurie capitaliste
La cuve est un élément crucial en termes de sûreté : elle contient le cœur, avec les assemblages combustibles où ont lieu les réactions nucléaires. Elle est un très gros composant, aux parois très épaisses, qui doit résister à des pressions considérables ; toute rupture est exclue. Une réglementation très sévère vise à obtenir ce résultat.
Or, alors que la cuve avait été fabriquée par Areva il y a une dizaine d’années, ce n’est que très récemment que des essais de contrôle réclamés par l’ASN ont montré l’insuffisance de la tenue mécanique de certaines parties. Mais ce problème n’est que le dernier d’une longue série de déboires.
Lors du lancement de l’EPR en 2007, cela faisait déjà huit ans que de nouvelles centrales n’avaient pas été construites. Les ingénieurs, techniciens, ouvriers qui avaient conçu ou fabriqué l’essentiel du parc français dans les années 1970-80 partaient en retraite, remplacés au compte-gouttes. Le savoir-faire acquis au cours des décennies précédentes ne s’est du coup que difficilement transmis.
C’est dans ce contexte qu’est apparu le besoin du remplacement de centrales vieillissantes aux États-Unis et en France, et de construction de nouvelles centrales en Chine. Pour les capitalistes européens du nucléaire, il fallait absolument partir à la conquête de ces nouvelles parts de marché, ne pas laisser la place à des concurrents, il fallait vendre et construire des centrales. Areva et Siemens ont alors conçu à la va-vite l’EPR, un réacteur dit de troisième génération, en théorie plus sûr.
La vitrine commerciale devait être faite de deux EPR : l’un en Finlande, l’autre à Flamanville. C’est donc à partir de 2007 que les équipes d’EDF, d’Areva et d’autres constructeurs ont engagé les travaux, dans l’impréparation, avec des vagues de recrutement de travailleurs qui se sont formés sur le tas. Depuis, c’est la course de vitesse pour tenir les plannings : les difficultés de conception et de fabrication s’accumulent et les moyens humains pour les contrôler sont toujours insuffisants.
Pour ne donner qu’un exemple : à l’ingénierie d’EDF, chargée de vérifier les dossiers de conception, on sait déjà, lors de la planification annuelle du début de l’année, que le volume de travail nécessaire pour chacun dépasse de 15 à 30 % le temps qui pourra y être réellement consacré. Le travail ne peut donc se faire que partiellement. La direction table sur le fait que l’ASN est débordée. Depuis quelques mois, elle tente aussi d’imposer l’allongement de la durée du travail en imposant le système du forfait jours, selon lequel il serait licite de travailler jusqu’à 13 heures par jour, pour s’éviter d’embaucher du personnel supplémentaire.
La situation actuelle est donc le résultat de l’incurie des industriels du nucléaire, motivés par les seuls aspects financiers : la sûreté nucléaire, de même que la note qui est ou sera payée par la population et les travailleurs du nucléaire, n’entrent qu’au second plan dans leurs calculs.