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Leur société
Loi sur le renseignement : tous sur écoute
Manuel Valls a présenté lundi 13 avril à l’Assemblée nationale sa loi sur le renseignement. Sous prétexte de lutter contre le terrorisme, elle vise à légaliser les pratiques clandestines des services chargés de surveiller la population.
Il suffira par exemple d’être soupçonné de« menacer les intérêts majeurs de la politique étrangère », de nuire aux intérêts économiques, industriels et scientifiques de la France, ou encore de vouloir « porter atteinte à la forme républicaine des institutions » pour être mis légalement sur écoute. Seul l’accord du Premier ministre, flanqué d’une commission à ses ordres, sera nécessaire. Et la nouvelle loi autorisera à espionner non seulement les personnes visées, mais également tous ceux qui communiquent avec elles, leur entourage comme leur famille. On est bien loin de la traque de groupes terroristes, à supposer même qu’elle soit efficace contre eux. Alain Marsaud, député UMP et ex-magistrat antiterroriste, a ainsi constaté que cette loi n’aurait pas empêché les récents attentats, « les frères Kouachi et Amedy Coulibaly n’ayant pas utilisé les moyens de communication que la loi nous permettra de capter ». Par ailleurs, de nombreuses associations comme le Syndicat de la magistrature ou la Ligue des droits de l’homme s’inquiètent d’une législation qui, selon le président de cette dernière, « transforme de fait chacun d’entre nous, sinon en coupable, du moins en suspect ».
Les écoutes sont certes depuis longtemps pratiquées clandestinement par certains services de l’État, et couvertes par les pouvoirs en place. Bien des journalistes, des avocats ou des hommes politiques en ont été victimes et ont intenté des procès. Dans les grèves et les mouvements sociaux, les militants ont appris à se méfier des téléphones portables, écoutés directement par les forces de répression. Mais le fait que ces pratiques soient aujourd’hui légalisées ne pourra que favoriser encore leur extension.
Grâce aux révélations d’Édouard Snowden sur la NSA, on a pu voir comment aux USA les moyens informatiques permettent une surveillance de masse. Les services français suivent la trace de leurs homologues américains, même si c’est avec des moyens plus réduits. Toute une panoplie a été évoquée à l’occasion de la nouvelle loi, de l’utilisation de mallettes électroniques permettant d’enregistrer les conversations téléphoniques dans un rayon de plusieurs centaines de mètres à l’installation de « boîtes noires » chez les opérateurs Internet pour repérer des comportements qualifiés de suspects, ou encore au droit de récupérer à distance le contenu d’un ordinateur.
La lutte contre le terrorisme, martelée par le gouvernement après les attentats du 11 janvier, sert aussi de prétexte à une remise en cause de droits élémentaires. L’histoire a montré que cela se retourne toujours en définitive, contre les travailleurs.