Comment commença le massacre15/04/20152015Journal/medias/journalnumero/images/2015/04/2437.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

il y a 100 ans

Comment commença le massacre

Cet article est traduit du journal Sinif Mücadelesi (Lutte de classe-UCI), édité par nos camarades de Turquie.

Alors que les dirigeants turcs polémiquent encore aujourd’hui contre le terme de « génocide », le massacre des Arméniens en 1915 rappelle quel degré de sauvagerie peut atteindre la politique bourgeoise.

Le massacre commença sur décision de Talaat Bey, ministre de l’Intérieur de l’Empire ottoman dans le gouvernement du parti Union et Progrès, dit « Jeune-Turc ». Le congrès du parti nationaliste arménien Tachnak, tenu du 28 juillet au 14 août 1914 à Erzurum reçut d’Union et Progrès un message demandant que les Arméniens s’engagent à rester loyaux au gouvernement, à lutter contre les Russes dans le Caucase et à demander aux Arméniens de Russie de se ranger du côté de l’Empire ottoman. Le congrès répondit en assurant l’État de sa fidélité, mais aussi en déclarant que, ayant des désaccords avec le gouvernement, les Arméniens agiraient de façon indépendante.

Quatre mois après le début de la Première Guerre mondiale, après l’attaque du 1er novembre 1914 de la marine ottomane contre les navires et les ports russes, l’armée russe positionnée sur le front du Caucase traversa la frontière et entra sur le territoire ottoman. Les livres d’histoire [turcs] présentent le « déplacement » des Arméniens comme découlant des décisions gouvernementales imposées par la guerre. Mais (…) les affrontements, les violences, les pillages, les attaques contre les villages, les viols avaient commencé avant même la guerre.

En raison de celle-ci, les Arméniens entre 20 et 45 ans d’abord, puis les 15-20 ans et les 45-60 ans furent enrôlés dans l’armée sous prétexte de la construction de routes. Puis, en décembre 1914, l’accord de Yeniköy de février de la même année, qui garantissait les droits des citoyens arméniens, fut invalidé par le gouvernement.

Un mois plus tard, en janvier 1915, l’armée russe remporta la victoire de ­Sarikamish et commença à progresser. En février, sous ce prétexte, les soldats arméniens de l’armée turque mobilisés dans les Dardanelles et sur d’autres fronts furent désarmés.

Des Arméniens commencèrent à se révolter, notamment le 19 avril à Van et le 18 avril à Bitlis. Talaat Bey répondit le 24 avril 1915 par la fermeture des comités arméniens, l’arrestation des dirigeants et la saisie de leurs documents.

Avant même cette décision, dans une zone loin du front comme Istanbul, 235 Arméniens députés, écrivains, journalistes, artistes, prêtres ou chefs d’entreprise avaient été arrêtés en tant que « membres des comités » et assassinés. En quelques semaines ce nombre arriva à 2 345. Dans les mois suivants les Arméniens d’Anatolie furent déportés vers des camps dans la région de Deir Ez-Zor, dans le désert syrien. La majorité mourut en route.

Le 27 mai 1915, les administrations locales furent autorisées à décider le transfert de toute personne. Puis le 30 mai le Conseil des ministres décida que les déplacements de populations pourraient devenir définitifs. Le 10 juin, un « règlement sur les terres, les biens et les propriétés arméniens et les mesures à appliquer » était promulgué, disant que les propriétés vacantes seraient données aux réfugiés, et des indemnités versées aux Arméniens. Bien sûr, rien de cela ne fut fait. (…)

Selon des sources britanniques, plus d’un million d’Arméniens furent déportés et 600 000 moururent. Les sources turques parlent de 413 067 morts. Après la Première Guerre mondiale, 120 personnes furent jugées et toutes acquittées pour le massacre. Celui-ci allait s’inscrire dans la liste des crimes impunis commis contre les peuples dans le monde entier.

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