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Kenya : massacre à l’université
Un commando d’islamistes a perpétré un massacre d’étudiants, le 2 avril, au sein de l’université de Garissa dans le nord du Kenya. Près de 150 personnes ont péri dans cette attaque qui est un pas de plus dans l’escalade guerrière entre le gouvernement kényan et les chebab somaliens.
Frontalière du Kenya, la Somalie traverse une épouvantable guerre civile depuis vingt-cinq ans. Les chefs de guerre s’y déchirent, n’hésitant pas à massacrer les populations si besoin. Ils s’appuient sur des milices et recherchent des soutiens à l’extérieur du pays, débouchant sur des interventions armées.
Ainsi, les États-Unis ont envoyé leurs soldats en Somalie en 1993. Puis, s’étant retirés à la suite de pertes importantes, ils ont poussé l’armée éthiopienne à intervenir à son tour en 2006, avant de s’en retirer deux ans plus tard. C’est dans ce chaos, surtout depuis le retrait éthiopien, que la milice islamiste des chebab a pris de l’importance, a absorbé des gangs rivaux et s’est renforcée de djihadistes étrangers.
Le gouvernement kényan, rival de l’Éthiopie, a commencé à intervenir dans la guerre civile somalienne en 2011, au moment où une terrible famine sévissait. En envoyant son armée envahir le sud de la Somalie, jusqu’au port de Kismaayo, le Kenya est rentré en conflit direct avec les chebab. Depuis, ces islamistes reculent militairement, mais ils mènent en rétorsion une politique d’attentats sur le sol kényan. Le récent massacre de Garissa suit celui du centre commercial de Westgate à Nairobi, capitale kényane, commis en septembre 2013.
Les tueurs de Garissa, qui ont trouvé la mort le 2 avril, n’étaient pas tous somaliens, puisqu’au moins un étudiant kényan faisait partie du commando. Cette importation de la guerre civile somalienne au Kenya est facilitée par le fait que, de part et d’autre de la frontière entre les deux pays, une partie de la population est d’ethnie somalie. Les somalis du Kenya sont délaissés par le gouvernement et les chebab ont commencé à y recruter des soldats. Mais ils ne sont pas les seuls à perpétrer des massacres pour accéder au pouvoir.
Ainsi Uhuru Kenyatta, l’actuel président kényan, fils du premier président du pays, avait attisé les violences politico-ethniques qui avaient suivi l’élection présidentielle de 2007. Cela avait été l’occasion pour lui de s’emparer du poste de vice-Premier ministre, au prix de plus d’un millier de morts.
Président depuis deux ans, Kenyatta a promis de lutter contre la corruption. Or quatre membres de son gouvernement et plusieurs hauts fonctionnaires mis en cause pour corruption ont dû démissionner en mars. Comme le disait un policier de Garissa peu pressé de se frotter aux islamistes, en montrant ses chaussures éventrées à des journalistes : « Faut-il se faire tuer pour nos chefs, alors que ceux-ci sont corrompus et détournent l’argent de nos équipements ? »
Le 7 avril, une manifestation a eu lieu à Nairobi pour protester contre l’incapacité du gouvernement à protéger la population. L’armée kényane peut se montrer prompte à bombarder les chebab en Somalie, comme elle l’a encore fait quatre jours après l’attentat. Mais ce n’est pas cela qui rendra les campus du Kenya plus sûrs.