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Dans le monde
Turquie : réaction religieuse et barbarie sociale
À la mi-février en Turquie, Özgecan, une étudiante de 20 ans, a été violée, assassinée et brûlée par trois hommes sur le trajet de son université. Le violeur a été aidé par son père et un ami pour brûler et cacher le corps. Des dizaines de milliers personnes indignées ont défilé dans les grandes villes contre les violences et les assassinats de femmes, devenus quasi quotidiens. L’article ci-dessous, daté du 5 mars 2015, est extrait du journal de nos camarades turcs, Sinif Mücadelesi – UCI (Lutte de classe).
Cette année, la célébration de la Journée mondiale des travailleuses sera très pénible dans tous les pays voisins, et particulièrement en Turquie, en raison des assassinats de femmes qui tournent au massacre, justifié par la religion. Avec l’assassinat d’Özgecan, les meurtres de femmes s’emballent et, malgré un certain nombre de réactions, la répression, les discriminations et les brimades contre les femmes atteignent une ampleur délirante.
Pendant qu’Özgecan était en train de mourir dans un minibus, trois hommes, son assassin, son père et son ami, au lieu de l’amener à l’hôpital, s’occupaient à discuter longuement pour trouver des solutions afin de mettre l’assassin à l’abri ! Trois hommes ont planifié le meurtre d’une jeune femme et le moyen de faire disparaître son corps pour éviter que l’assassin soit puni !
Ce crime ne saurait même pas être justifié par des violences subies par l’assassin pendant son enfance. Mais une telle violence est justifiée par l’État et le ministère de la Famille même, qui parle de former « une jeunesse croyante », utilise le système éducatif pour déformer les jeunes, ne fait aucun effort pour s’opposer aux préjugés ou encore éviter de faire travailler les femmes sans les déclarer – elles sont plus nombreuses que les hommes dans ce cas.
De plus, un patron, pour gagner beaucoup d’argent, a eu l’autorisation de construire une université privée au milieu des champs, entre deux villes, sans prévoir de transports sécurisés. On n’a tenu aucun compte des revendications des étudiants, notamment sur les horaires.
Tant que la violence n’est pas exercée contre les patrons, les politiciens, les privilégiés ou les « grandes valeurs », tant qu’elle reste limitée aux femmes et aux enfants, les autorités font semblant de ne pas savoir, de ne pas voir, de ne pas entendre.
En Turquie, la répression et le mépris envers les femmes est très ancien, mais à tout cela s’ajoutent ces derniers temps les méfaits du pouvoir, les atrocités perpétrées par l’organisation État islamique en Irak et les drames vécus par les réfugiées de Syrie. Tout concourt au développement des idées réactionnaires, dans un contexte où l’usage de la violence contre les femmes devient presque normal. Le résultat est une croissance des crimes à l’égard les femmes, ainsi que le reconnaît même la ministre de la Famille.
Partout les femmes se retrouvent en position d’accusées. Une femme qui par exemple n’arrive plus à s’occuper de son enfant, et veut le confier aux services sociaux, est tabassée par son mari. Un enfant meurt du fait que le père est sans travail, et c’est la femme qui est arrêtée et accusée d’assassinat.
Les femmes sont complètement cernées. Elles sont écrasées par la violence économique, les préjugés religieux, la violence exercée par les hommes. Ça suffit !
La Journée mondiale des travailleuses, pour les femmes de Turquie, n’est pas une journée de commémoration des luttes du passé, une journée qui marque le progrès de leurs droits. Leurs conditions sont pires que par le passé ! Des millions de femmes ont pour seul choix de supporter les hommes de leur famille ou leur mari, ou bien de mourir sous leurs coups. Les femmes n’ont pas même le droit de décider pour les sujets les plus vitaux les concernant.
Les femmes, pour obtenir leurs libertés, doivent lutter par elles-mêmes. Elles doivent lutter contre les discriminations sexistes et contre cette société qui les crée. Ça suffit ! La répression contre les femmes doit prendre fin. Une société qui opprime la moitié d’elle-même ne peut pas être libre.