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Dette Grecque
Les voleurs sont les grandes banques
« Si les Grecs ne payent pas leur dette, il en coûtera 600 euros à chaque contribuable français ». C'est du moins ce qu'affirment les commentateurs soucieux de masquer la responsabilité des grandes banques françaises en la matière. Car si l'État français détient quarante milliards d'euros de créances sur l'État grec, c'est bien parce qu'il les a rachetées aux banques, leur permettant ainsi de conclure leurs fructueuses spéculations sur la Grèce.
Ces spéculations des grandes banques internationales ont plongé le pays dans la situation d'où le nouveau gouvernement tente dorénavant de le sortir.
La dette publique n'est pas une spécialité grecque
Après le discours de Tsipras qui a répété le programme sur lequel il a été élu, les discussions devaient s'engager sur la renégociation de la dette grecque. Le gouvernement grec refuse de valider la fin du plan négocié par son prédécesseur et réclame un répit, le temps de conclure un nouvel accord. Pour financer les dépenses courantes, Yanis Varoufakis, le ministre des Finances, suggère de puiser dans des fonds déjà existants, entre autres ceux réservés à une recapitalisation des banques grecques en cas d'urgence. Les gouvernements européens crient au scandale et leur propagande consiste à stigmatiser un pays qualifié de malhonnête puisqu'il refuserait de rendre l'argent qu'on lui a donné... mais qui en réalité a enrichi essentiellement les banques et en premier lieu celles des pays européens les plus riches.
L'endettement n'est pas une spécialité grecque : tous les États comblent par l'emprunt les trous de leur budget. Contrairement à ce que dit le patronat, ce budget n'est pas mis à mal par les services publics, que l'État doit tout de même faire fonctionner, mais par l'accumulation de subventions et de dégrèvements accordés aux grosses entreprises. Les gouvernements français ont de l'expérience en la matière. La Grèce n'a pas fait autre chose pendant des années.
L'entrée de la Grèce dans la zone euro en 2001 a renforcé les appétits des prêteurs, convaincus qu'elle bénéficierait de l'aide des autres États en cas de problème. L'argent a servi un peu au développement des infrastructures du pays et bien davantage aux grosses sociétés locales et étrangères et surtout aux marchés financiers, liés le plus souvent à ces mêmes grands trusts. C'est ainsi, par exemple, que la Grèce a dépensé au moins 14 milliards de dollars, au lieu du milliard et demi initialement prévu, pour organiser les Jeux olympiques de 2004. C'est ainsi également qu'elle a toujours consacré une part, plus importante proportionnellement que les autres États européens, à l'achat de matériel militaire qui a enrichi Thyssen, Siemens ou Dassault.
La spéculation accélère avec la crise
Ainsi, la Grèce, un des pays les plus petits et les moins développés de la zone euro, a été la première à tomber dans une spirale d'endettement sans fin, qui peut en toucher bien d'autres. Son endettement, relativement contenu, s'est accéléré en 2007, année du début de la crise du secteur financier aux États-Unis. Les banques ont utilisé les fonds prêtés ou donnés par la Réserve fédérale et la Banque centrale européenne pour pousser à l'endettement, en ciblant en particulier les pays à qui ils pouvaient imposer des taux d'intérêt très élevés. Entre juin 2007 et septembre 2008, les banques privées d'Europe occidentale ont augmenté leurs prêts à la Grèce de 33%.
En 2010, au moment où le risque de défaut de paiement devenait plus évident, les banques privées empruntaient des fonds à la BCE au taux de 1 % qu'elles prêtaient à leur tour à la Grèce à 4% ou 5% pour une durée de trois mois, à 12 % pour les titres à dix ans. En mai 2011, ce taux à dix ans atteignait 16,5%. L'argent emprunté ne servait ni à redresser l'économie ni à rembourser la dette mais à payer les intérêts : un analyste financier estimait en 2011 que sur chaque euro prêté à la Grèce, 70 centimes servaient à payer les intérêts.
Entre-temps, les autorités européennes et le FMI avaient imposé au pays, en échange de leur « aide », un plan d'austérité, bientôt suivi d'un second en 2012 : la population grecque allait le payer par le chômage, les baisses de salaires et une dégradation considérable des services publics.
La BCE rachète les dettes
En 2012, devant la faillite annoncée, les États européens proposèrent une « restructuration de la dette ». Les banques privées échangeaient leurs titres de dettes grecques contre d'autres présentés comme plus sûrs, moyennant une décote de leurs avoirs de 50 %. Ce fut d'autant moins une mauvaise affaire que ces titres avaient en réalité déjà perdu entre 65 et 75 % de leur valeur sur le marché.
Ce sont maintenant surtout la BCE et les banques centrales qui détiennent des titres de la dette grecque, car elles se sont empressées de les racheter aux banques privées en leur versant de l'argent frais.
Pour la Grèce, l'endettement a continué : de 125% du produit intérieur brut en 2009, la dette en est arrivée à 175% en 2014, le PIB, somme des richesses produites dans le pays, ayant diminué de 25% depuis le début de la crise, ce qui en dit long sur la débâcle économique dans laquelle la majorité de la population grecque essaie de survivre.
Cela n'empêche pas les tenants du système de dire que si la Grèce fait défaut « nous allons payer pour les Grecs » et même de chiffrer à près de 600 ou 700 euros ce que cela coûterait à chaque contribuable français. Mais nous avons déjà payé, pas pour « les Grecs » mais pour « nos » banques auxquelles les gouvernements français ont décidé de racheter 40 milliards de titres pourris !