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Argentine : Mort d'un magistrat, une ténébreuse affaire
Le 18 juillet 1994, une voiture piégée explosait devant le siège de l'Amia, l'Association mutuelle israélite argentine, tuant 85 personnes. Depuis vingt ans, l'enquête pour déterminer les responsables de ce crime a piétiné.
Alberto Nisman a consacré dix ans de sa vie à ce dossier, et même sa vie tout court. Depuis quelques années, il explorait la piste la plus vraisemblable, celle d'un attentat commis par le Hezbollah libanais, avec le soutien de l'Iran, un attentat qui faisait suite à un autre attentat antisémite devant l'ambassade d'Israël à Buenos Aires, où 29 personnes avaient trouvé la mort.
Nisman devait faire des révélations publiques. Il affirmait que l'attentat contre l'Amia restait impuni parce que l'État argentin voulait conclure des accords commerciaux avec l'Iran. Et l'impunité était dans la balance de cette négociation.
Lors d'une émission de télévision, quelques jours avant sa mort, le magistrat s'était plaint des services secrets argentins, qui se comportaient vis-à-vis de lui comme des services secrets... iraniens : « Ils informent les Iraniens des progrès de l'enquête, de la suite que nous allons y donner. C'est tout juste si les Iraniens ne sont pas plus au courant que moi ! Les services argentins leur ont même donné des informations sur moi, sur mon ex-épouse qui est juge fédérale, sur mes enfants », avait-il dénoncé.
C'est pourquoi l'explication officielle du secrétaire national à la Sécurité, Sergio Berni, à savoir le suicide, ne convainc pas. Nisman s'était dit serein, dans un entretien récent avec une journaliste. Le jour de sa mort, il avait préparé la liste des courses pour sa femme de ménage pour le lendemain. Il n'y avait pas de poudre sur ses mains et l'arme avec laquelle il est censé s'être tué n'était pas la sienne, alors qu'il en possédait une chez lui. Enfin, on pouvait entrer dans son appartement par une porte de service. Là-dessus se sont ajoutés des couacs du pouvoir. La présidente a tardé à commenter l'événement et ses partisans ont déserté la réunion où le magistrat devait faire ses révélations.
Il n'est pas rare, en Argentine, que des personnalités gênantes puissent disparaître, car sept ans de dictature et 30 000 disparus ont permis à des militaires, des policiers ou des hommes de main de se qualifier. Et, depuis la dictature, on a vu d'autres gêneurs disparaître. Tout est réuni pour alimenter les doutes sur la version officielle du suicide et alimenter la protestation populaire.
Enfin, 2015 est une année d'élection. Cristina Kirchner ne peut pas se représenter, mais elle fait tout pour que son parti conserve le pouvoir. Ce scandale tombe donc mal mais, n'en doutons pas, tout sera fait pour qu'il soit étouffé, comme l'attentat contre l'Amia.