Médecine du travail : Un pas de plus dans la démolition12/11/20142014Journal/medias/journalnumero/images/2014/11/2415.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Médecine du travail : Un pas de plus dans la démolition

Une des mesures du « choc de simplification » annoncé par Hollande, et que le gouvernement est en train de mettre en oeuvre, porte sur la Médecine du travail. En effet, celle-ci n'effectuerait plus la visite médicale d'embauche à la charge de l'employeur, le salarié étant renvoyé à son médecin traitant et au remboursement par la Sécurité sociale.

C'est non seulement un cadeau supplémentaire au patronat, mais une étape de plus dans la démolition de la Médecine du travail. Certes, celle-ci a toujours eu ses limites : le scandale des victimes de l'amiante en est l'illustration, sans parler des complicités fréquentes dans la non-déclaration d'accidents du travail. Mais il reste que le peu de protection qu'apportait aux travailleurs l'existence de la Médecine du travail ainsi que d'une réglementation limitant l'exposition aux risques, a été méthodiquement démoli ces dernières années.

Une des premières mesures dans ce sens a été en 2004 le remplacement de la visite médicale obligatoire annuelle par une visite tous les deux ans. Depuis le 1er juillet 2012, ce délai de deux ans peut même être dépassé si un « entretien infirmier » a été effectué. Et tant pis pour la santé des travailleurs pour qui cette visite obligatoire était le seul suivi médical dont ils disposaient !

Cette mesure régressive est une parmi beaucoup d'autres contenues dans la réforme de la Médecine du travail induite par la loi du 20 juillet 2011. Cette réforme, officiellement combattue dans un premier temps par les confédérations CFDT et CGT, avait, fin 2011, reçu l'agrément de leurs représentants au sein du Conseil d'orientation des conditions de travail, un des multiples organismes de « concertation » dont les travailleurs (et même les militants syndicaux de base) ignorent l'existence, mais où Medef et gouvernements font avaler tranquillement les reculs aux « partenaires sociaux ».

Dans cette réforme, la liste des reculs était longue : réduction des délais dans le cadre d'une procédure de licenciement pour inaptitude, mais instauration d'un délai de deux mois maximum pour la contester, alors qu'auparavant aucun délai de recours ne s'imposait au salarié ; possibilité de dispense de visite médicale d'embauche (déjà !) dans plusieurs cas, notamment pour les contrats temporaires ; financement des examens complémentaires par le Service de santé au travail (dans le cas d'un service externe à l'entreprise), et non plus par l'employeur ; suppression des « surveillances médicales renforcées » (ou bien leur espacement) dont bénéficiaient les travailleurs exposés par exemple à la silice, aux huiles minérales, à certains rayonnements ionisants, au port de charges lourdes, mais aussi au travail sur écran, etc.

Ces mesures révoltantes, car concernant le suivi médical des travailleurs les plus exposés aux risques professionnels, avaient d'ailleurs motivé en juillet 2012 le recours en Conseil d'État de structures locales de la CGT (syndicat des usines NTN-SNR Roulements, UL d'Annecy, UD de Haute-Savoie) rejointes par la fédération CGT de la chimie. Le Conseil d'État en juin 2014 leur a partiellement donné gain de cause, en rétablissant dans la législation neuf arrêtés qui avaient été supprimés par la réforme, entre autres sur l'exposition au bruit, à la silice, au plomb, aux rayons. Cela étant, ce succès juridique partiel est tout aussi provisoire. Le gouvernement est juste contraint à reformuler « dans les règles » un nouveau texte.

C'est d'ailleurs ce qui s'était déjà produit avec un précédent recours en Conseil d'État gagné en juillet 2013 par des syndicats et associations de médecins du travail, mais qui finalement a été contourné par un nouveau décret exactement un an plus tard !

L'enjeu est en effet de taille pour le patronat. Pour les « surveillances médicales renforcées », le collectif Sauvons la Médecine du travail chiffrait à 4,75 millions le nombre de visites médicales annuelles économisées par le patronat et à 2,375 millions le nombre d'heures récupérées sur le temps auparavant dévolu aux visites.

Rien que ces chiffres montrent le profit immédiat que les seules attaques contre la Médecine du travail génèrent pour les patrons. C'est révoltant car, pour ce qui concerne les travailleurs, tout cela se paye avec leur santé, et dans leur chair.

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