- Accueil
- Lutte ouvrière n°2414
- De Mare nostrum à Triton : Les migrants abandonnés à la mer
Dans le monde
De Mare nostrum à Triton : Les migrants abandonnés à la mer
Mare nostrum avait vu le jour en octobre 2013. Le naufrage au large de l'île italienne de Lampedusa d'un bateau sur lequel s'entassaient des migrants venus de la corne de l'Afrique avait alors ému toute l'Europe. La mort de 368 personnes noyées en mer, la vision des centaines de cercueils alignés, avaient suscité une telle émotion que le gouvernement italien avait décidé de surveiller en permanence les eaux situées entre la Sicile et la Libye, afin disait-il de sauver le maximum de vies humaines. Cela n'a pas suffi à empêcher les tragédies, comme celle de ces quarante personnes retrouvées asphyxiées en juin dernier dans les cales d'un rafiot de fortune, mais en a certainement réduit le nombre. La marine italienne intervenait en effet jusqu'à la limite des eaux territoriales libyennes pour repérer et se porter au secours des embarcations en détresse, puis ramener les rescapés à terre.
Il n'en sera plus de même avec Triton, dispositif confié à Frontex, la police européenne de surveillance des frontières. Les navires de l'opération, moins nombreux, ne sortiront pas des eaux territoriales européennes, et auront pour seul but d'empêcher les migrants de débarquer clandestinement. Les dirigeants européens se soucient peu de ceux qui se noieront avant. Les arguments utilisés pour justifier cette régression sont particulièrement odieux. Le ministre de l'Intérieur allemand a ainsi déploré que l'opération Mare nostrum « se soit avérée être un pont vers l'Europe ». Comme si l'espoir d'être repêché en cas de naufrage pouvait suffire à décider ces hommes, ces femmes et ces enfants à risquer leur peau !
Le risque de mourir en mer n'empêchera pas des migrants toujours plus nombreux de tenter leur chance. La misère provoquée par le pillage de leur pays, les guerres qu'y entretiennent les puissances impérialistes et les dictatures qu'elles y protègent sont des raisons suffisantes pour faire prendre tous les risques à ceux qui fuient la Syrie, l'Afghanistan ou l'Afrique. En contribuant à transformer la Méditerranée en cimetière, les dirigeants européens ajoutent simplement l'ignominie à cette liste.