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Burkina Faso : La chute d'un dictateur
Le mardi 28 octobre, des centaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue. Deux jours plus tard, alors que les députés étaient appelés à modifier la Constitution, un million de manifestants ont déferlé au cri de « Blaise dégage », bravant la police et l'armée, dressant des barricades, occupant la radio-télévision nationale, incendiant le Parlement.
Après avoir donné sa démission, Compaoré s'est enfui pour se réfugier, avec l'aide de la France, en Côte d'Ivoire. Pendant ce temps, dans la capitale Ouagadougou et dans d'autres villes du pays, la population pauvre est descendue dans la rue, détruisant les symboles du pouvoir. Le CDP, le parti de Compaoré, a été rebaptisé par les manifestants le parti des Corrupteurs, Détrousseurs, Prédateurs. Les villas de dignitaires du régime n'ont pas été épargnées.
À côté des privilégiés qui affichent des richesses insolentes, la très grande majorité des Burkinabés vivent à l'écart du centre, dans des baraquements sans eau ni électricité, où les familles les plus déshéritées s'entassent à plusieurs dans une seule pièce et vivent avec moins d'un euro par jour. Dans les zones rurales, la population est encore plus déshéritée.
Lors des manifestations, c'est donc la colère de la jeunesse et de la population pauvre du pays qui s'est exprimée. Aujourd'hui, la grande majorité des 17 millions d'habitants du pays ont moins de 25 ans.
La population s'était déjà soulevée à plusieurs reprises contre la dictature de Compaoré : en 1998, après l'assassinat de Norbert Zongo, un journaliste indépendant qui enquêtait sur l'un des crimes politiques commis par le frère du président, puis en 2003, 2006, 2007, 2008. En 2011, la jeunesse est descendue dans la rue pour protester contre l'assassinat d'un jeune lycéen par la police. Les émeutes avaient alors gagné toutes les villes du pays.
Derrière le slogan « Blaise dégage », il y a toute la colère de ceux qui ne supportent plus de vivre dans la misère alors que la clique de Compaoré a mis en place un véritable système de pillage du pays qui a été surnommé Tuk guili par les manifestants, ce qui signifie « rafler tout » en langue mooré, la langue majoritaire au Burkina.
Depuis son arrivée au pouvoir par un coup d'État en 1987, en assassinant le capitaine Thomas Sankara qui prétendait vouloir desserrer un peu l'étau de l'impérialisme, Blaise Compaoré s'est fait le défenseur des intérêts des chefferies coutumières qu'il a remises en place, des hommes d'affaires à qui il a cédé les entreprises d'État, et bien sûr des intérêts de l'impérialisme français, dont il est un des hommes lige.
Compaoré a ainsi prospéré, impliqué dans toutes sortes de trafics d'armes et de diamants. Il est intervenu dans les guerres civiles du Liberia, de la Sierra Leone, d'Angola ou encore de Côte d'Ivoire. Il a été le parrain politique de Charles Taylor, le chef de guerre sanguinaire du Liberia à qui il livrait des armes. Troquant l'uniforme militaire pour le costume civil, il est devenu le monsieur bons offices, le médiateur de tous les conflits de la région, pour le compte des gouvernements français et américain, faisant du Burkina une des bases arrière de l'impérialisme pour contrôler le Sahel et le Sahara.
À en croire la presse occidentale, l'armée burkinabée aurait confisqué le pouvoir dès la fuite de Compaoré. Dans ce pays, comme dans bien d'autres en Afrique, l'armée a toujours été au pouvoir depuis les indépendances. Aujourd'hui encore, les puissances impérialistes et les possédants savent qu'ils peuvent compter sur le régiment de Sécurité présidentiel, la garde prétorienne du régime, qui a toujours été la colonne vertébrale de la dictature. Et cette situation perdurera, même si les puissances occidentales disent souhaiter qu'à la tête de l'État s'affiche un civil, plus présentable.
Cette option est d'ailleurs celle défendue par la France. Hollande, sentant les risques que comportait un mandat supplémentaire de Compaoré, lui avait conseillé de ne pas se représenter et lui avait promis une place dans une institution internationale. En vain.
Aujourd'hui, tous espèrent que la population pauvre rentrera dans le rang. Mais celle-ci n'a pas encore dit son dernier mot et la révolte burkinabée, suivie dans toute l'Afrique, pourrait inspirer d'autres peuples qui se trouvent dans la même situation.