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- Lutte ouvrière n°2414
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Leur société
Barrage de Sivens : Violences policières et violence sociale
Devant le tollé ainsi déclenché, il a reconnu avoir utilisé une « expression malheureuse », mais cela en dit long sur la suffisance de ce cacique du PS, à la tête du conseil général du Tarn depuis 1991, député jusqu'en 2012 et par ailleurs sénateur. Il n'y a pas à s'étonner si, lors des manifestations à Albi, « Carcenac démission » et « Carcenac assassin » ont été les slogans les plus repris.
Les dirigeants locaux du Parti socialiste sont très impliqués dans ce projet de barrage, qui a été jugé surdimensionné par des experts. Ces derniers ont souligné son « coût d'investissement élevé », et regretté que le choix d'un barrage ait été privilégié « sans réelle analyse des solutions alternatives possibles ». Concernant son prix, la moitié des 8,4 millions d'euros d'investissements auraient été à la charge de l'agence de l'eau Adour-Garonne, majoritairement dirigée par des élus du Parti socialiste et également par des représentants de la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA). L'agence n'aurait évidemment pas manqué d'en faire supporter le coût aux consommateurs.
Pendant des mois, l'opposition au projet de barrage est restée limitée. Les opposants ont été ignorés, en butte parfois à des violences policières. Lorsque la mort de Rémi Fraisse a fortement relancé l'opposition au barrage-réservoir, et devant l'émotion suscitée, Manuel Valls s'est défaussé du problème sur les élus du conseil général du Tarn, en demandant à ses dirigeants de « tirer les conséquences des préconisations des rapports ». « C'est aux élus de prendre ces décisions », a-t-il dit. Les élus en question se sont empressés de repasser la patate chaude à Ségolène Royal, qui semble se spécialiser dans le rôle de fossoyeur des projets à problèmes, qu'au final elle peut décider de mettre au rebut.
Les différents courants écologistes ont, quant à eux, fait un cheval de bataille de cette « zone à défendre », comme ils appellent l'emplacement du barrage. Ils ont été rejoints par ceux qui les courtisent depuis qu'ils ont quitté le gouvernement. Quelques politiciens, ex-ministres, ex-sénateurs ou députés en exercice, se sont ainsi montrés opposés au gouvernement. Ils pouvaient le faire d'autant plus aisément que leur opposition se manifestait sur un sujet qui ne gêne en rien le grand patronat dans ce qui lui est essentiel : son offensive à l'encontre du monde du travail.
La violence sociale faite de licenciements, de fermetures d'entreprises, d'augmentation des cadences, de révision du Code du travail, d'aggravation des conditions de salaire, de précarité et de chômage, cette guerre de classe au nom du profit et de la compétitivité, qui condamne des centaines de milliers de familles au dénuement, n'est nullement mise en cause par les mouvements qui réclament, ici l'abandon d'un aéroport, là celui d'un barrage. Et, contre la violence sociale, les frondeurs et autres opposants de pacotille, qui se greffent un temps sur de tels mouvements, n'ont rien à dire, quand ils ne l'ont pas eux-mêmes approuvée. Il est vrai que ceux parmi les manifestants qui cherchent l'affrontement systématique avec la police, en pensant que c'est une marque de radicalisme, n'ont pas grand-chose à dire non plus de cette violence sociale.
Il faut être solidaire de ceux qui protestent contre les violences policières, de ceux qui considèrent que la population a son mot à dire sur les marchés publics passés en son nom. Mais, s'il peut y avoir des « zones à défendre », il y a surtout une « classe à défendre » : la population laborieuse, qui est attaquée depuis des années dans ses conditions de vie et de travail du fait de la rapacité d'une poignée de capitalistes servis par le gouvernement.