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Irak : Les conséquences dramatiques de décennies d'intervention impérialiste
Mais l'offensive lancée depuis janvier dans l'ouest de l'Irak par ces milices intégristes, qui s'était accélérée début juin avec la prise de Mossoul, seconde ville du pays avec ses deux millions d'habitants, continue. Après être parvenu à seulement vingt kilomètres d'Erbil, la capitale de la région autonome du Kurdistan irakien au nord, l'État islamique a lancé samedi 23 août un assaut pour s'emparer de la raffinerie situé à Baïji, à 200 km au nord de Bagdad, son objectif étant d'atteindre la capitale. L'État islamique est en passe de réussir à former un territoire sunnite contrôlé par ses milices, de part et d'autre de la frontière irako-syrienne.
Face à ces milices sunnites, les forces armées irakiennes n'ont quasiment pas résisté, montrant ainsi combien l'appareil d'État central irakien, hérité de l'occupation impérialiste de l'Irak depuis 2003, est fragile. Seuls les combattants kurdes, les peshmergas, ont réussi à repousser l'offensive de l'EI à plusieurs reprises. Le pouvoir autonome du Kurdistan irakien de Barzani compte bien d'ailleurs profiter de cette situation pour imposer son indépendance et renforcer sa position vis-à-vis des États-Unis.
Kurdes au nord, milices chiites au sud et à Bagdad, l'Irak est menacé d'éclatement complet en une série de gouvernorats établis sur des bases communautaires, ethniques ou confessionnelles. Et cette guerre, dans laquelle le pays s'enfonce depuis des mois, menace de déstabiliser toute la région et, après la Syrie, pourrait s'étendre à bien d'autres pays, Liban, Iran, Jordanie, Turquie.
Les arguments utilisés par le gouvernement américain pour justifier l'intervention, qui pour l'instant se « limite » à des frappes aériennes, ne changent guère : lutter contre le terrorisme et sauver les populations menacées, en particulier les chrétiens chassés de Mossoul par centaines et les Yazidis, autre communauté de la mosaïque ethnique et confessionnelle dont l'Irak est constitué. Selon les responsables américains, ces bombardements seraient bien évidemment ciblés, n'atteignant que les seuls combattants intégristes de l'EI, et pas les civils irakiens : un mensonge qui ne trompe plus personne. Et c'est toujours avec le même aplomb que le Pentagone annonce régulièrement depuis début août l'élimination des terroristes par ces frappes aériennes.
Les agissements des milices de l'État islamique sont particulièrement barbares. Mais l'intervention américaine n'apportera aucune aide à la population, bien au contraire. Les populations subissent aujourd'hui des bombardements, qui s'ajoutent aux massacres opérés par les milices de l'EI et à la misère, en particulier pour les centaines de milliers de femmes, d'hommes et d'enfants contraints de trouver un refuge très précaire dans les camps situés en Irak ou dans les pays limitrophes, Syrie et autres.
Cette situation catastrophique est précisément le produit des nombreuses tentatives de l'impérialisme, celles des États-Unis mais aussi des impérialismes de seconde zone comme la France, pour imposer leur domination dans cette partie du monde, en particulier pour s'assurer le contrôle de ses ressources pétrolières. Des milices comme celles de l'EI, qui prétendent représenter la minorité sunnite, tout comme celles, plus ou moins puissantes, qui prétendent représenter la population chiite, n'auraient jamais vu le jour si l'impérialisme ne leur avait pas ouvert la voie en attisant, directement ou indirectement, les divisions au sein de la population irakienne, et en utilisant ces divisions pour imposer sa domination.
Aujourd'hui, les forces déchaînées par ces décennies d'interventions des pays impérialistes deviennent de plus en plus incontrôlables. Et l'amplification et l'extension du chaos à toute une région pourraient finir par menacer les profits des multinationales, américaines en particulier. C'est de cela, et seulement de cela, que les dirigeants impérialistes s'inquiètent.