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Dans les entreprises
SNCF : Les cheminots ouvrent la voie
L'importance de la mobilisation souligne combien le ras-le-bol est grand chez les cheminots, combien ils en ont assez de voir leurs conditions de vie et de travail se dégrader.
Face à l'hémorragie continue des effectifs, l'encadrement impose une incessante flexibilité des horaires chez les agents de conduite mais aussi dans les ateliers de réparation ou de maintenance, avec des équipes de réserve, des astreintes, une vie personnelle soumise au bon vouloir de la hiérarchie.
Les suppressions d'effectifs ont pour corollaire l'insécurité du lendemain. Aux guichets, par exemple, un plan de suppression de postes est en cours. Et c'est en grande partie pour eux que la SNCF vient de lancer un plan de départs... volontaires.
Les cheminots vivent au quotidien l'augmentation permanente de la productivité (30 % de plus en sept ans) avec son cortège de stress et d'épuisement. Les suicides sur le lieu de travail sont également apparus à la SNCF, y compris parmi les encadrants. À tout cela, il faut ajouter des salaires qui ne suivent pas la hausse des prix, y compris ceux des logements SNCF.
C'est donc bien l'aggravation de l'exploitation qui est à l'origine du ras-le-bol qui s'exprime aujourd'hui.
Sur cette situation dégradée s'est greffée l'annonce de la réforme ferroviaire. Ce texte, dont l'examen va commencer le 16 juin au Parlement, a été concocté par la direction SNCF, le gouvernement et les patrons privés du ferroviaire. Il prévoit non pas la réunification de la SNCF et de RFF, comme dit le gouvernement, mais l'éclatement de la SNCF en trois entreprises distinctes et le remplacement de la réglementation actuelle par une convention collective plus désavantageuse. L'objectif de la réforme est double : aboutir à des milliards d'économies sur le dos des cheminots et, en diminuant les coûts, attirer des investisseurs privés.
Les cheminots savent bien que le décret ferroviaire privé applicable depuis 2006 a nettement dégradé les conditions de travail. Quand les agents de conduite soumis à la réglementation SNCF ont un temps de travail annuel de 1 568 heures, ceux qui dépendent du privé doivent travailler 1 607 heures : quand ceux de la SNCF ont 126 repos, ceux du privé n'en ont que 104 ; quand ceux de la SNCF ont 52 repos doubles, ceux du privé n'en ont que 25... et tout est à l'avenant. C'est ce type de régression que les cheminots refusent.
Malgré la mobilisation de l'encadrement pour tenter d'en minimiser les enjeux et d'embrouiller les esprits, les cheminots ont perçu la réforme comme étant une nouvelle attaque contre eux-mêmes et le service public. D'ailleurs, dès que la direction et le gouvernement parlent de réforme, il s'agit toujours de régression. C'était le cas sous les gouvernements de droite et cela reste vrai sous le gouvernement de gauche.
La grève a commencé à l'appel de la CGT et Sud-Rail, rejoints par FO, qui ont déposé un préavis de grève reconductible. Pendant les jours qui ont précédé, leurs militants ont tourné, distribué des tracts, organisé des assemblées, afin de convaincre les hésitants, de les entraîner.
Déjà, les précédents appels, pourtant isolés, à la grève contre le projet de réforme ferroviaire en juin et décembre 2013, avaient été bien suivis, tout comme la manifestation nationale à Paris, le 22 mai dernier, qui avait regroupé près de 10 % des cheminots.
L'annonce d'un préavis de grève reconductible a également satisfait nombre de militants qui voulaient non pas uniquement protester mais engager une lutte sérieuse. Signe supplémentaire, bien des militants syndicaux ont appelé de façon unitaire, organisant des assemblées voire des tournées communes. Et dans plusieurs secteurs, les militants ont appelé à des assemblées interservices, sans que les directions syndicales s'y opposent.
Celles-ci ont donc choisi d'initier le mouvement et d'encourager les formes susceptibles d'entraîner un grand nombre de cheminots dans la grève.
Il est possible que le mécontentement affiché par de nombreux militants devant l'inaction face au gouvernement ait joué dans l'attitude prise par les directions syndicales. Mais il est aussi probable que, dans la période de réorganisation tous azimuts que va connaître la SNCF, elles tiennent à rappeler qu'il faut compter avec elles et ne pas réduire les avantages dont elles disposent dans les nombreux organismes paritaires.
Il est d'ailleurs notable de constater que la « radicalité » des directions syndicales CGT et Sud-Rail ne va pas jusqu'au rejet de la réforme mais se limite à la revendication « d'une autre réforme ». À aucun moment, les directions syndicales n'ont dénoncé les négociations concernant la fameuse convention collective auxquelles elles participent et qui ont pour objet de négocier des reculs.
En se mettant en grève, les cheminots n'ont aucune raison de se placer sur le terrain des exigences de la direction et du ministre de tutelle. Ce sont les revendications des travailleurs, de tous les travailleurs qui doivent être mises en avant. Il faut bien sûr dire non à la réforme ferroviaire, refuser toute aggravation dans la réglementation du travail, dire non aux suppressions d'emplois et exiger des embauches dans tous les secteurs, sous un même statut et aux conditions les plus avantageuses, dire non à la flexibilité des horaires, et oui aux augmentations des salaires.
Ces revendications ont été discutées dans de nombreuses assemblées. En les adoptant, en les faisant connaître, les cheminots peuvent avoir le soutien d'autres travailleurs qui eux aussi sont confrontés aux mêmes attaques et ont les mêmes revendications. Par-dessus tout c'est cette contagion que craint le gouvernement et qui pourrait le contraindre à reculer.