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- Lutte ouvrière n°2393
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Editorial
Des marchands d'illusions particulièrement dangereux
Le Pen, le père, vient de commettre une nouvelle déclaration antisémite. Sa saillie a déclenché des réactions même parmi les dirigeants du Front national, tant cette déclaration colle mal à l'image respectable que Le Pen, la fille, essaie de donner.
Marine Le Pen elle-même condamne la « faute politique » de son père. Elle ne lui reproche pas son antisémitisme et son racisme, elle lui reproche de les exprimer tout haut.
On pourrait penser que le père fondateur du FN devient bien encombrant pour Marine Le Pen, dont l'ambition affichée est de casser l'UMP et de reconstruire la droite autour de sa personne.
Marine Le Pen est une démagogue, qui adapte son discours à ses besoins électoraux. Pour ratisser le plus large possible, elle ne s'adresse plus seulement aux petits patrons réactionnaires. Elle cherche l'oreille des chômeurs, des ouvriers ou des retraités, en parlant pouvoir d'achat, chômage.
C'est de la démagogie électorale, car le FN n'a rien contre le patronat, rien contre ses dividendes, ses profits, rien contre les bas salaires qu'il impose. Pour Marine Le Pen, ce ne sont pas les capitalistes, la concurrence et la course à l'accumulation qui sont responsables de la crise. Ce sont les étrangers, des travailleurs comme nous tous, qu'elle accuse de causer le chômage et la misère !
En réalité, le père et la fille se partagent le travail. Le noyau dur de ce parti est à l'image de Le Pen père, ancien parachutiste et tortionnaire de la guerre d'Algérie, fervent de l'OAS.
La gauche, le PS comme le PC, porte une responsabilité écrasante dans le fait que le FN trouve un écho même dans les classes populaires, où beaucoup se disent que « ceux-là, on ne les a encore jamais essayés ».
Le PS et le PC prêchent aux travailleurs depuis des dizaines d'années la seule perspective électorale comme moyen de changer leur vie. Mais chaque fois que la gauche est passée au pouvoir, elle a renié même le peu de promesses qu'elle avait faites aux classes populaires, pour mener au gouvernement une politique exigée par la bourgeoisie.
C'est la politique menée par le PS, avec le soutien ouvert ou hypocrite du PC, qui a écoeuré une fraction croissante des travailleurs. C'est également cette politique qui a détourné de l'activité nombre de militants de la classe ouvrière.
Ceux qui ont compris qu'il n'y avait plus rien à attendre de la gauche mais qui se jettent dans les bras du FN ont remplacé leurs vieilles illusions par d'autres, et les pires qui soient. Car si l'on peut se relever des illusions placées dans un Hollande, il y a le risque que l'on puisse ne pas revenir sur celles mises dans le FN.
Le FN est l'ennemi des travailleurs. Il pèse déjà sur la société et tire la vie politique vers la droite. L'influence du FN sur une partie du milieu populaire divise les travailleurs et les affaiblit. Aujourd'hui, ce n'est qu'en paroles, mais les paroles, ça compte.
La menace va bien au-delà des travailleurs étrangers, qui sont dans la situation la plus fragile. Car si Le Pen est associée au pouvoir, elle s'en prendra d'abord aux derniers arrivants, en commençant par ceux sans papiers, mais ensuite elle s'en prendra aux autres.
Et une carte d'identité française ne protégera pas les travailleurs contre un courant réactionnaire fondamentalement opposé à toute conscience de classe des travailleurs.
Alors, il faut tout faire pour arracher les travailleurs à l'influence du FN. Il n'est pas trop tard. Entre un vote de protestation et une adhésion aux positions du FN, il y a de la marge. Une marge qu'il faut mettre à profit pour discuter, pour convaincre, pour entraîner les travailleurs dans les luttes qu'ils ont à mener.
Car il ne s'agit pas de faire la morale et d'appeler à bien voter.
Il ne s'agit pas de construire des combinaisons politiciennes censées servir de rempart électoral au FN. Ces manoeuvres politiciennes et électoralistes sont puériles, au moment même où un nombre croissant d'électeurs ont compris tout ce qu'elles avaient de mensonger et d'illusoire.
Il faut opposer au FN des perspectives qui sont propres aux travailleurs, la défense de leurs intérêts sur la base des moyens qui leur sont propres : les luttes collectives et conscientes.
Il faut retrouver le chemin de la lutte de classe.
Éditorial des bulletins d'entreprise du 9 juin