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- Lutte ouvrière n°2392
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Dans les entreprises
Acticall - Cournon-d'Auvergne (Puy-de-Dôme) : Les travailleurs ont « posé le casque »
C'est ainsi qu'à Cournon-d'Auvergne, dans la zone industrielle du Bois-Joli, les travailleurs d'Acticall se sont retrouvés à une centaine, sur les 300 environ qui travaillaient sur le site ce jour-là, devant la porte de l'établissement, avec les drapeaux syndicaux et avec le soutien de militants syndicalistes d'autres sites, en particulier de la CGT et de la CFDT communication. L'heure a été consacrée à dénoncer l'exploitation qui sévit sur cette plate-forme, comme dans les treize autres d'Acticall en France, comme également sur les plates-formes tenues par Téléperformance ou Lasercontact. Pour la plupart des travailleurs, que l'on appelle « conseillers clientèle », en majorité très jeunes, c'était leur première grève.
Mais en quoi consiste le travail des conseillers clientèle ? À Acticall, sur le site de Cournon, c'est répondre toute la journée aux appels destinés à Bouygues Télécom et à EDF, mais c'est aussi enrichir l'actionnaire principal, la famille Mulliez, qui détient 45 % d'Acticall par l'intermédiaire de Creadev, une holding dont elle est propriétaire. Les salariés y sont soumis à une pression permanente pour satisfaire les objectifs de rentabilité déterminés par ces donneurs d'ordres que les salariés, bien entendu, ne rencontrent jamais, mais qui sont insatiables.
Ainsi un appel ne doit pas dépasser en moyenne 8 à 9 minutes et le temps de pause entre deux appels, pas même dix secondes, est sans cesse rogné, seconde par seconde. Pas question de se mettre en retard au téléphone : dès la prise de poste, les secondes de retard sont comptées, ajoutées à celles qui pourraient advenir lors des 30 minutes de pause fractionnées dans la journée pour aller aux toilettes ou décompresser : elles sont additionnées tout au long du mois et parfois décomptées du salaire. Le téléphone est « mouchardé » et, si des erreurs ont lieu lors des réponses données aux clients, les employés ont droit à un ESS, un « entretien suivi du salarié » mené par un responsable manager qui met en garde, un suivi suffisamment appuyé pour que le salarié n'oublie aucune des nombreuses consignes qu'il doit respecter lors d'un appel, selon un rituel exigé par les donneurs d'ordres que sont Bouygues et EDF. Les objectifs sont sans cesse revus afin que chacun traite toujours plus d'appels, en y consacrant toujours moins de temps. Ils deviennent irréalisables, et la journée d'un conseiller clientèle revient à compter tout ce qu'il fait en secondes ! Inatteignables, les objectifs rendent les salariés insatisfaits de leur travail, et souvent ils culpabilisent de n'avoir pu traiter entièrement un dossier : à l'autre bout du fil, ce sont souvent de petites gens qui appellent, ne comprennent pas leur facture ou sont dans une situation inextricable. Aussi il y a un grand turn-over parmi les salariés, même parmi ceux qui sont en CDI, car il n'y a aucune perspective et très peu de déroulement de carrière et, quand on obtient une promotion, ce n'est pas grand-chose.
La carotte, c'est une prime si l'on atteint les objectifs, mais elle est plafonnée à 120 euros par mois ! Mais pour tous, c'est le salaire au smic, environ 1 045 euros mensuels en moyenne, pour travailler en équipe, entre 8 h et 21 h, du lundi au samedi, et cela quelles que soient les tâches et les compétences exigées : compétences en informatique, commerciales, juridiques ou même linguistiques.
Les conseillers clientèle qui ont « posé leur casque » pendant une heure le 25 mai ont d'abord voulu se faire respecter et dire non à l'esclavagisme pratiqué sur les plates-formes téléphoniques.