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Elections européennes
Jean-Pierre Mercier : « Remettre en cause la dictature des capitalistes »
Les travailleurs d'Europe sont tous engagés sur la même pente, la pente qui va vers la dégradation des conditions de vie et de travail, la pente qui mène vers la pauvreté, tout cela au nom de la prospérité des capitalistes... Il faudra bien, un jour, que les opprimés de l'Europe entière se lèvent ensemble, pour combattre (...) leurs oppresseurs communs ! Les objectifs de lutte que nous défendons dans ces élections - ceux que nous défendons depuis que la crise démolit la société tout entière - sont valables dans toute l'Europe. (...)
Il faudra partout imposer le contrôle de la population sur les comptes des capitalistes et des États. Imposer la suppression du secret commercial, bancaire, industriel, la mise en place d'une véritable transparence - pas la transparence bidon que le gouvernement a fait semblant de mettre en place après l'affaire Cahuzac, et que personne n'est en mesure de contrôler, mais une transparence réelle, totale, sans limite, parce que exercée par les travailleurs eux-mêmes.
Cela est vrai dans chaque pays pris individuellement, d'abord. Parce que, en Grèce, ce serait une mesure de salut public que les travailleurs et la population sachent réellement ce qui s'est tramé dans les bureaux bien fermés de la Commission européenne, et qui a abouti à la mise sous tutelle d'une population entière.
Parce que, dans tous les pays, les capitalistes agissent en secret, préparent leurs plans et leurs sales coups dans la plus totale opacité - c'est inscrit dans l'ADN du capitalisme. Parce que, partout, ils justifient les licenciements et les baisses de salaire par des difficultés économiques et financières que personne ne peut vérifier et contrôler.
Mais à l'échelle de l'Europe, de l'Europe prise comme un tout, c'est presque encore plus vrai. (...) Si, partout, les travailleurs imposaient la transparence, s'ils mettaient fin au secret industriel et bancaire, cela permettrait à chacun, au-delà même des frontières, de savoir ce qu'il en est vraiment.
Lors de la révolution russe, en 1917, le premier acte de Trotsky, commissaire du peuple aux Affaires étrangères, a été de publier tous les traités secrets passés entre la Russie et les autres pays - ce qui a donné des armes politiques utiles aux révolutionnaires de tous les autres pays.
Imaginez déjà qu'à l'échelle d'un pays comme la France, les travailleurs se donnent les moyens de se communiquer, d'un secteur à l'autre, toutes les informations auxquelles ils ont accès, à quel point cela serait utile pour les luttes de tous les autres. Les travailleurs des banques - qui savent tout sur les industries car ce sont elles qui les contrôlent - pourraient donner aux ouvriers des informations essentielles sur la politique de leur patrons, sur l'état précis de leur fortune. (...)
Il est facile d'imaginer comment la transparence ou l'ouverture des comptes pourraient aussi donner à l'internationalisme du mouvement ouvrier un contenu très concret ! En particulier dans un pays comme la France qui est un pays impérialiste, qui nuit à des dizaines de pays plus pauvres.
D'imaginer ce que les travailleurs de la Société générale auraient à raconter aux travailleurs grecs, s'ils avaient accès à toutes les décisions infâmes que cette banque a prises pour les appauvrir. Ce que les travailleurs de Renault pourraient faire savoir à leurs frères de Dacia, en Roumanie, ceux de PSA à ceux de Trnava en Slovaquie...
L'ouverture des comptes, la publicité de tous les sales petits secrets des capitalistes, serait un formidable ferment de solidarité et surtout d'aide à la lutte des travailleurs des autres pays. (...)
Comme le disait Trotsky, encore : « Le « secret » commercial est toujours justifié par les exigences de la « concurrence ». Mais en fait, les trusts n'ont pas de secrets l'un pour l'autre. Le secret commercial, à l'époque actuelle, est un complot constant du capital contre la société. Les projets de limitation de l'absolutisme de « patrons de droit divin » restent de lamentables farces tant que les propriétaires privés de moyens sociaux de production peuvent cacher aux producteurs et aux consommateurs les machinations de l'exploitation, du pillage, de la tromperie. »
Eh bien, ce qui était vrai en 1938 l'est encore plus aujourd'hui, à l'époque de l'Union européenne à 28. (...) Les travailleurs ont plus de moyens que jamais de se donner les uns aux autres les informations qu'ils trouveraient, s'ils se mêlaient eux-mêmes, directement, de contrôler les comptes des entreprises.
Cela couperait l'herbe sous le pied des tentatives patronales de diviser les travailleurs d'Europe, car tous verraient alors qui les trompe et comment. Ce serait déjà le début de la remise en question de la dictature des capitalistes sur la population.