Il y a soixante-dix ans : 21 avril 1944, le droit de vote reconnu aux femmes23/04/20142014Journal/medias/journalnumero/images/2014/04/une2386.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Il y a soixante-dix ans : 21 avril 1944, le droit de vote reconnu aux femmes

Le 21 avril 1944, une ordonnance signée par de Gaulle, à la tête du Gouvernement provisoire siégeant à Alger, accordait le droit de vote aux femmes. C'était encore la guerre, et les premières élections auxquelles les femmes participèrent furent les municipales du 29 avril 1945. La France fut ainsi l'un des derniers pays en Europe à leur accorder ce droit. Jusqu'à cette date, à l'instar des mineurs, des fous et des criminels, la loi ne reconnaissait pas aux femmes le droit d'avoir une opinion politique et de l'exprimer dans les urnes.

De Gaulle s'était placé à la tête du gouvernement, qui comptait sur le Parti communiste stalinien pour peser sur la classe ouvrière, afin d'éviter à la sortie de la guerre tout mouvement révolutionnaire analogue à ceux qui avaient marqué la fin de la Première Guerre mondiale. Ce fut pourtant ce général réactionnaire qui put se permettre d'accorder aux femmes un droit que l'ensemble des partis politiques leur refusaient. Même en 1936, le gouvernement socialiste du Front populaire n'avait pas osé présenter un texte de loi allant dans ce sens, bien que cette revendication ait figuré dans le programme de la SFIO depuis 1906. Seul le PC, à l'époque où il n'était pas encore gangrené par le stalinisme, avait profité d'un vide dans les textes pour présenter et faire élire des femmes aux élections municipales de 1925. Celles-ci ne siégèrent que le temps pour le pouvoir en place de rectifier l'article de loi ayant permis ce sacrilège, rejetant les femmes à la place que la majorité des hommes politiques leur attribuait : celle d'épouses et de mères soumises à leur mari.

Les femmes, d'éternelles mineures ?

Des socialistes à la droite la plus réactionnaire en passant par les radicaux, les politiciens brandissaient chacun leurs arguments pour dénier le droit de vote aux femmes. Les plus modérés, ou les plus hypocrites, affirmaient qu'il ne ferait que multiplier les bulletins de vote par deux, sans rien changer à la répartition des sièges entre les partis, les femmes votant bien évidemment comme leur mari... D'autres, essentiellement au sein du Parti radical, leur refusaient ce droit au nom de la défense de la laïcité : les femmes étant, c'est bien connu, sous l'influence de l'Église, elles allaient certainement être aveuglées et voter pour la droite cléricale et réactionnaire !

Mais la plupart se retrouvaient d'accord sur le fait qu'elles n'avaient pas les capacités intellectuelles nécessaires pour gérer les affaires publiques. Cet extrait de la thèse d'un député radical de l'Aisne, datant de 1884, est significatif de leur état d'esprit : « La femme oublierait ses devoirs de mère et d'épouse, si elle abandonnait le foyer pour courir à la tribune. Elle n'y apporterait pas d'ailleurs la modération de langage et la netteté des conceptions qui sont indispensables dans les usages parlementaires. [...] On a donc parfaitement raison d'exclure de la vie politique les femmes et les personnes qui, par leur peu de maturité d'esprit, ne peuvent prendre une part intelligente à la conduite des affaires publiques. »

L'égalité politique reste toujours à conquérir

Depuis cette époque, les mentalités ont certes évolué et nul ne remet en cause, y compris parmi les plus réactionnaires, le droit des femmes d'exprimer leurs opinions politiques. Mais il fallut quand même attendre trente ans pour qu'une femme, notre camarade Arlette Laguiller, ose pour la première fois « se présenter comme candidate à la présidence de cette République d'hommes », ainsi qu'elle le disait dans son discours télévisé du 20 avril 1974. Et, malgré la loi votée en juin 2000 imposant la parité entre hommes et femmes aux élections municipales et législatives, elles ne sont toujours qu'une minorité d'élues. Ceux que l'on appelle les « grands » partis, comme l'UMP et le PS, préfèrent la sanction financière au fait de présenter un nombre équivalent de femmes et d'hommes aux élections législatives. Ainsi, l'UMP a vu en 2002 sa dotation de l'État diminuée de plus de 4 millions d'euros parce qu'il ne respectait pas la parité aux élections législatives.

Quand elles sont candidates aux élections législatives ou têtes de liste aux municipales, les femmes le sont très souvent dans des circonscriptions ou des communes que le parti qui les présente estime perdues pour lui, ce qui fait que, au Parlement, elles restent toujours minoritaires. En 2012, avec 155 députées, elles atteignaient le nombre record de 26,86 % à l'Assemblé nationale ; au Sénat, elles ne sont que 22,1 % d'élues. Aux élections municipales de mars dernier, elles n'étaient que 17 % en tête de liste au premier tour dans les villes de plus de 1 000 habitants et, sur les 41 villes comptant plus de 100 000 habitants, seules six femmes ont été élues maires.

Dans une société d'exploitation où l'inégalité est la règle, les inégalités sociales pèsent particulièrement sur les femmes. Mais même la simple égalité dans l'exercice des droits politiques et l'accès aux fonctions électives dans le cadre de cette société est encore un combat à mener.

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