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Bosnie-Herzégovine : Contre une situation dramatique, le mouvement social s'étend
Le mouvement est parti le 5 février d'une manifestation de chômeurs à Tuzla, grande ville industrielle du centre du pays. Il a rapidement gagné Sarajevo, la capitale. Les autorités ont répondu par la répression. Le 7 février, dans la capitale, plusieurs centaines de manifestants et de policiers ont été blessés. Dans plusieurs villes, les sièges des autorités régionales ont été saccagés et, à Sarajevo, le siège de la présidence bosnienne a été incendié. Dans les jours qui ont suivi, le mouvement s'est étendu à l'ensemble du pays.
Suite aux manifestations, les chefs de quatre administrations régionales sur dix ont présenté leur démission.
À Tuzla, outre la démission du gouvernement, les manifestants exigent, entre autres, l'égalisation entre les salaires des représentants du gouvernement et ceux des travailleurs du secteur public et privé, la fin des primes de toutes sortes et l'arrêt du paiement des salaires des ministres et autres représentants dont le mandat a pris fin.
À Sarajevo, dans une proclamation rendue publique le 9 février au nom des « citoyens de Sarajevo, sans nom, ni nationalité, ni parti politique », les manifestants demandent l'augmentation des retraites minimales de 400 marks (200 euros), dénoncent le prêt souscrit auprès du FMI, exigent de mettre un terme à la hausse des prix du service public et à l'introduction de nouvelles taxes. Ils demandent également une révision des conditions dans lesquelles les entreprises publiques ont été privatisées, la formation d'une commission indépendante pour lutter contre la corruption, mais aussi de supprimer les cantons et d'abolir les deux entités, la Fédération croato-musulmane et la République serbe de Bosnie entre lesquelles le pays est partagé.
Depuis les accord de Dayton, en 1995, qui mirent fin après trois ans de carnages à la guerre déclenchée après l'éclatement de la Yougoslavie, la Bosnie-Herzégovine est composée de ces deux entités, sous la surveillance d'un « haut représentant » européen toujours présent en Bosnie, et toujours chargé, presque vingt ans après, de veiller au respect des dits accords.
Ces derniers entérinaient un découpage réalisé selon des critères ethniques ou religieux imposés par les partis ultra-nationalistes serbe, croate et bosniaque avec la bénédiction des puissances impérialistes, parties prenantes aux accords de Dayton.
Le mouvement témoigne en tout cas de la profondeur du discrédit des partis et des politiciens nationalistes au pouvoir depuis près de vingt ans en Bosnie.
La division de l'ex-Yougoslavie en un entrelacs de micro-États constitués sur des bases ethniques, l'éclatement d'une économie qui avait été partiellement unifiée, maintenant réduite à une série d'entités dont aucune n'est vraiment viable, tout cela a débouché sur un retour en arrière catastrophique sur le plan social.
Sur les murs de Tuzla, lors de la manifestation du 7 février un slogan serait apparu : « Mort au nationalisme ». Le mouvement aurait même trouvé un écho au-delà – timide, mais significatif – en République serbe de Bosnie, en Croatie et en Serbie, sous la forme de rassemblements de solidarité avec les manifestants bosniaques. C'est bien dans l'émergence d'un mouvement populaire, mettant au premier plan des revendications sociales, que réside le seul espoir de surmonter un jour la situation désastreuse créée par l'éclatement de l'ex-Yougoslavie.