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- Lutte ouvrière n°2373
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Leur société
La fin de vie de Vincent Lambert : Entre choix médical et intégrisme religieux
Le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a décidé, le 16 janvier, le maintien en vie de Vincent Lambert, un tétraplégique de 38 ans, en état de conscience minimale depuis un accident de la route en 2008. Cette décision de justice fait suite à une plainte des parents, contestant la décision des médecins du CHU de Reims de suspendre son traitement, dans le cadre de la loi Leonetti.
L'équipe médicale avait d'abord consulté la famille, avant de réunir une commission de sept médecins, dont quatre extérieurs au service, pour prendre une décision. C'est la seconde fois que la justice interdit à l'équipe médicale de laisser mourir Vincent Lambert. Sa femme Rachel était pourtant favorable à une telle décision. Son mari et elle-même, infirmiers, avaient discuté à plusieurs reprises de la fin de vie, et Vincent Lambert était opposé à tout acharnement thérapeutique.
C'est après plusieurs années de présence quotidienne aux côtés de son mari en conscience minimale que Rachel Lambert s'est résolue à sa fin de vie, proposée par l'équipe médicale. Mais elle a alors fait l'objet de pressions de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X, une organisation catholique intégriste d'extrême droite, dont les parents de Vincent Lambert sont proches, lui reprochant de cautionner « un processus de mort » et lui demandant de « laisser vivre » son mari.
Dans cette triste affaire, les pressions religieuses sont en effet manifestes, alors que la loi Leonetti, adoptée en 2005, doit être réformée. En effet, cette loi autorise l'arrêt des traitements quand le patient le demande ou après une réflexion collégiale s'il n'est pas en mesure d'exprimer sa volonté. Mais l'arrêt des traitements, de l'alimentation et de l'hydratation, peut entraîner d'intenses souffrances, et la loi n'autorise pas l'aide active à mourir, l'euthanasie, que réclame par exemple l'Association pour le droit à mourir dans la dignité.
L'euthanasie comporte des dangers, dans une société où les rapports sociaux sont fondés sur l'argent et où les hôpitaux sont à la diète. La fin de vie d'un patient incapable de s'exprimer peut vite être mise en balance avec le coût du traitement. Trouver des solutions humaines est un problème qui ne peut être résolu aisément dans une société où tout le système de santé est soumis à la pression de la rentabilité. Le personnel est trop peu nombreux, débordé, souvent dans l'impossibilité de prendre le temps de soulager et d'accompagner, ne serait-ce que moralement, des personnes en fin de vie. L'élaboration d'une loi autorisant dans certains cas l'euthanasie n'est donc pas simple et nécessiterait de sérieux garde-fous, un maximum de précautions, de contrôles et d'humanité envers les proches. Cependant, de telles lois existent aux Pays-Bas, en Belgique, au Luxembourg et, semble-t-il, n'entraînent pas d'abus.
Mais, surtout, ce n'est pas à l'Église ni aux tenants de l'ordre moral de juger. Le porte-parole des évêques de France a ainsi déclaré : « Personne ne peut provoquer délibérément la mort, fût-ce à la demande d'une personne gravement malade, sans transgresser un interdit fondamental : Tu ne tueras pas. » Mais, sans remonter aux guerres de religion, l'Église a cautionné les guerres coloniales, la peine de mort et tout un ordre social dont la violence tue chaque jour. Alors quand elle refuse à des malades incurables ou à leurs proches le droit d'éviter des souffrances physiques et morales, elle ajoute sa part de sottise et d'inhumanité à une société qui en a déjà à revendre.