Aussaresses, général tortionnaire11/12/20132013Journal/medias/journalnumero/images/2013/12/une2367.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Aussaresses, général tortionnaire

Le général Paul Aussaresses vient de mourir paisiblement à 95 ans. Il s'était fait connaître en 2000 suite à un entretien avec une journaliste du quotidien Le Monde pour avoir été un des cadres de l'armée responsable de la torture en Algérie, notamment pendant la bataille d'Alger en 1957. Il avait avoué cette activité « sans remords ni regrets ». Les crimes commis par l'armée pendant les guerres coloniales recevaient ainsi une confirmation.

En 1943, Aussaresses avait intégré les forces spéciales de la France libre. Il avait reçu la Légion d'honneur et participé à la création du « 11e choc », le bras armé rodé à tous les coups tordus du SDECE, l'ancêtre de la DGSE, le service de contre-espionnage français.

Aussaresses participa à la guerre d'Indochine sous les ordres du général Pâris de Bollardière. En 1957, il est sous les ordres de Massu qui, avec ses paras, mène la bataille d'Alger, c'est-à-dire arrête et torture en masse les habitants de la Casbah, le quartier algérien d'Alger, pour leur faire avouer où sont les militants du FLN. Aussaresses, le « commandant O », y est le maître d'oeuvre de la torture, une méthode cruelle pour la population algérienne, et dont la honte rejaillit sur les militaires qui la pratiquent, comme sur les dirigeants politiques qui ferment les yeux sur son usage, en tête le dirigeant socialiste Guy Mollet.

De Bollardière, qu'Aussaresses admirait, paraît-il, fut un des rares officiers généraux à dénoncer cette pratique en Algérie, mais cela ne freina pas l'ardeur des Massu, Bigeard ou Aussaresses, tous complices dans cette sale besogne. Au bout du compte, celle-ci eut pour résultat non pas de détruire vraiment l'organisation nationaliste du FLN mais, au contraire, de faire lever de nouveaux combattants bien décidés à chasser l'armée française d'Algérie.

Les méthodes des tortionnaires de l'armée française firent école. Aussaresses alla enseigner ses sinistres talents dans les académies militaires nord-américaines puis auprès des cadres des armées d'Amérique du Sud, qui les mirent en oeuvre sous les différentes dictatures, organisant la disparition de dizaines de milliers d'opposants dans toute l'Amérique latine entre 1960 et 1980.

Désormais doté d'un vaste carnet d'adresses d'officiers, Aussaresses passa la dernière partie de sa vie active comme représentant des marchands d'armes français. Mais, en 1982, le tortionnaire zélé eut envie de raconter ses exploits dans des entretiens avec une journaliste puis dans des livres. Il y justifia la torture, admit avoir tué personnellement 24 personnes, dont le dirigeant du FLN Larbi Ben M'hidi qu'il pendit personnellement. Il laissa entendre qu'il connaissait la vérité sur la mort du militant communiste Maurice Audin, vraisemblablement étranglé par le lieutenant parachutiste Charbonnier. Mais, ayant juré le silence à Massu, il n'en dit pas plus.

Ces aveux, qui mettaient à mal certains mensonges officiels, firent craindre à ses pairs qu'il puisse continuer à parler. Il fut mis en quarantaine par l'armée, on lui retira la Légion d'honneur et il fut même menacé de mort à plusieurs reprises.

Il y a un siècle, l'écrivain Anatole France, qui sympathisa avec le mouvement socialiste d'avant 1914, puis avec le mouvement communiste naissant, avait dénoncé l'armée comme « l'école du crime ». Aussaresses fut un de ses criminels et même un de ses enseignants.

Partager