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- Lutte ouvrière n°2366
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USA : la réhabilitation des « Scottsboro boys » : les injustices racistes du passé... et du présent
En 1931, la police rafla des jeunes qui, comme tant d'autres au milieu de cette terrible crise économique, voyageaient en train sans payer. Elle les jeta en prison à Scottsboro en Alabama, un des États les plus racistes du Sud. Parmi eux, neuf Noirs âgés de 13 à 19 ans et deux jeunes filles blanches qui prétendirent avoir été violées par les jeunes Noirs. Comme l'a reconnu l'une d'elles quelques années plus tard, c'était un mensonge, pour préserver leur réputation aux yeux d'une société raciste et machiste qui n'acceptait pas que des Blanches fréquentent des Noirs.
Pour éviter un lynchage, les autorités durent faire appel à plus de cent hommes armés pour tenir la foule blanche à distance. Dans cette atmosphère, trois procès furent tenus dans la plus grande urgence, dans une salle d'audience entièrement blanche, tout comme le jury. L'avocat commis d'office était un vieil homme n'ayant plus participé à un procès depuis des décennies.
Sans surprise, huit accusés furent condamnés à la peine de mort par électrocution. Seul le plus jeune y échappa car, bien que comme ses compagnons d'infortune il fût jugé comme un adulte, dans son cas le jury se divisa entre les partisans de la mort et ceux qui voulaient lui infliger 75 ans de prison.
Ces procès injustes soulevèrent l'indignation des Noirs américains. Une manifestation de soutien aux « Scottsboro boys » eut lieu dans le quartier noir de Harlem à New York. Le Parti communiste américain se lança dans une campagne pour dénoncer cette injustice et réclamer leur libération, notamment en leur fournissant des avocats compétents. Ce qui lui valut d'être apprécié par des militants noirs, dont certains rejoignirent ses rangs.
En 1932, la Cour suprême des États-Unis cassa les jugements de Scottsboro, mais ne libéra pas les prisonniers. Une série de procès et d'appels eurent lieu à partir de 1935, mais cette fois la pression des racistes d'Alabama fut contrée dans une certaine mesure par l'agitation dans le Nord en faveur des « Scottsboro boys ». La presse assistait aux procès et l'éviction systématique des Noirs de la liste des jurés potentiels fit scandale, au point que la Cour suprême s'en mêla à nouveau et ordonna encore une fois de nouveaux procès en 1935, notamment quand une des plaignantes reconnut avoir menti.
En 1937, le dernier procès permit au premier juré noir depuis plus de cinquante ans de siéger. Cela n'empêcha pas de condamner un accusé à la peine de mort, peine qui fut commuée en prison à vie, et trois à des peines de 75 à 105 ans de prison. Quatre furent relaxés et le dernier, qui avait tenté de s'échapper avant le procès, fut condamné plus tard tout de même à vingt ans de prison, bien que les charges de viol aient été abandonnées contre lui entre-temps.
Paradoxalement, l'affaire marqua une avancée dans le combat contre le racisme car, pour la première fois en Alabama, des Noirs condamnés pour le viol d'une Blanche échappaient à la peine de mort. Cinq de ces jeunes firent de la prison jusqu'à la fin des années 1940, et un y mourut. Deux d'entre eux s'échappèrent, dont un qui ne fut pas rattrapé avant 1976, date à laquelle il fut grâcié. Tout comme ses trois derniers compagnons qui viennent d'être réhabilités bien après leur mort.
Toute cette histoire est révoltante, comme l'est cette « justice » qui ose pardonner à ses victimes, plutôt que de demander pardon.
Aujourd'hui en vérité le racisme n'en continue pas moins de sévir dans les cours de justice américaines : des familles de victimes noires voient les meurtriers de leurs proches s'en sortir d'autant plus facilement qu'ils sont blancs, comme dans le cas récent de Trayvon Martin en Floride. Pendant que des militants noirs comme Mumia Abu-Jamal continuent de pourrir en prison pour des crimes qu'ils n'ont pas commis.