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Leur société
Les clubs de football annoncent la grève : Aux crochets de l'État et du public
En fait, il s'agit plutôt d'un lock-out, puisque ce sont les patrons qui se mobilisent. Avec les responsables des instances du football, ils multiplient les déclarations pour expliquer qu'ils n'ont pas les moyens de payer une telle taxe, qu'ils vont mettre la clé sous la porte, etc. « Il s'agit d'une question de vie ou de mort », ont déclaré, sans rire, plusieurs d'entre eux. Le patron de Lille, Michel Seydoux, qui appartient à une grande famille bourgeoise de producteurs de cinéma, a même poussé un « cri du cœur, d'alarme, de désespoir », car il pense « aux millions de supporteurs qui nous suivent » : « Cette taxe était faite pour toucher les riches, et là elle va toucher les pauvres », s'est-il lamenté.
Une taxe déjà rabiotée
En réalité, cet impôt n'est guère élevé. Seuls sont concernés les revenus supérieurs à un million d'euros et la taxe ne s'applique qu'à la partie des revenus dépassant ce million. La mesure ne devrait concerner que 120 joueurs privilégiés dans 14 clubs de premier plan. Ceux-ci ont déjà obtenu une concession de taille : la taxe est plafonnée à 5 % du chiffre d'affaires des clubs. Elle devrait rapporter un total de 44 millions d'euros. Le Paris Saint-Germain, le club le plus riche de France, ne paiera par exemple que 20 millions d'impôts, dans un budget de 400 millions d'euros. Quant à Monaco, qui appartient à un milliardaire russe, il en sera tout simplement exempté, car il ne relève pas du régime fiscal français... même s'il participe au championnat de France, avec les avantages que cela procure.
Dopés à l'argent public
La protestation des patrons de club est d'autant plus scandaleuse que, tout en réclamant que leurs clubs soient des entreprises privées comme les autres, ils vivent aux crochets de l'État et des collectivités locales. Ceux-ci financent en effet la construction des stades ou leur rénovation. Que la France organise l'Euro de football en 2016 justifie de nouvelles dépenses somptuaires. Les six nouveaux stades construits entre 2008 et 2013 ont coûté aux collectivités plus d'un milliard d'euros. Sans compter les travaux d'aménagement (voirie, tramway, desserte, etc.), souvent pris en charge par les collectivités.
Par exemple, le Grand Stade de Lille a bénéficié de 45 millions d'euros de subvention de la région, et coûtera à la communauté urbaine 10 millions d'euros par an pendant 31 ans. Une subvention de 30 millions d'euros est également attendue de l'État. Au bonheur d'Eiffage, qui construit l'enceinte gazonnée à prix d'or. À Marseille, la ville finance aux deux tiers les 269 millions du Grand Stade Vélodrome. Toutes ces sommes manquent ensuite pour les services publics municipaux, y compris les équipements sportifs utiles à la population tels que piscines ou stades de quartier...
En outre, il suffit que les résultats et le public ne soient pas au rendez-vous pour que ces constructions se transforment en gouffre financier. Le Mans FC a fait construire un stade à 104 millions (MMArena), avant d'être relégué et menacé de dépôt de bilan ; l'enceinte de 25 000 places accueille 6 000 à 7 000 spectateurs par match. Mais Vinci continue d'empocher les royalties. À Nice, le stade Allianz Riviera compte 35 000 places, alors que le record de fréquentation annuelle moyenne est de 15 223 spectateurs et remonte à... 1952.
Bref, les grands clubs vivent aux crochets des pouvoirs publics. Et ce n'est certainement pas la taxe à 75 % qui compensera cela. Mais ce serait bien la moindre des choses qu'ils s'en acquittent.