États-Unis : Spéculation sur les matières premières26/09/20132013Journal/medias/journalnumero/images/2013/09/une2356.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

États-Unis : Spéculation sur les matières premières

Une enquête du New York Times publiée le 20 juillet sur la façon dont Goldman and Sachs manipule les cours de l'aluminium illustre de façon concrète les pratiques spéculatives des grandes banques et leur impact sur le cours des matières premières. L'enquête porte sur les États-Unis mais les pratiques ne sont pas différentes de ce côté-ci de l'Atlantique. La différence, c'est qu'il y a peut-être moins de journalistes prêts à les dénoncer.

Il s'avère que Goldman and Sachs a acheté en 2010 Metro International Trade Services, une des plus grosses entreprises de stockage de métaux, et utilise depuis les vingt-sept entrepôts de sa filiale pour stocker, dans la région de Detroit, d'énormes quantités d'aluminium, qui représentent aujourd'hui 1,5 million de tonnes, soit plus du quart de l'aluminium disponible sur le marché. Cet aluminium est celui de propriétaires à qui Goldman and Sachs verse une prime pour les inciter à stocker leur métal dans les entrepôts de sa filiale et à payer, le plus longtemps possible, un loyer. La plupart de ces propriétaires sont d'ailleurs eux aussi des banques, des fonds spéculatifs, des négociants.

Goldman and Sachs se débrouille si bien pour faire durer le stockage que les délais pour obtenir livraison de l'aluminium entreposé, qui étaient de six semaines avant l'achat de Metro International par la banque, sont maintenant de 16 mois ! Au grand dam des utilisateurs, d'autant plus mécontents que les délais de stockage, qui entrent en ligne de compte dans le prix de l'aluminium, font augmenter celui-ci. Le surcoût pour les acheteurs est estimé à plus de cinq milliards de dollars pour les trois dernières années.

Malgré tout, il y a des règles et il n'est pas possible de stocker indéfiniment. Trois mille tonnes de cet aluminium doivent être déstockées chaque jour. Une noria de fenwicks et de camions s'y emploient en effet mais on estime que 90 % de ces trois mille tonnes ne sont pas livrées à un utilisateur mais simplement déplacées d'un entrepôt à un autre à l'intérieur de Metro International !

Il y a bien un organisme chargé de veiller au respect des règles dans le commerce du métal : il s'agit du London Metal Exchange, dont le comité directeur était jusqu'à l'an dernier composé en particulier de dirigeants de Goldman, Barclays, Citibank, du directeur de Metro International et autres entreprises de stockage, et de négociants, tous intéressés à ce trafic. De plus l'organisme en question touche 1 % de tous les loyers perçus pour les quelque 719 entrepôts qu'il supervise dans le monde. Quant à la compagnie de Hong Kong qui a racheté le London Metal Exchange l'an dernier, elle n'a manifestement pas l'intention non plus de se priver de ce 1 % si rémunérateur en mettant un frein à ce trafic.

Le New York Times affirme que « les manipulations des cours sur les marchés du pétrole, du blé, du coton, du café, et autres, ont rapporté des milliards de profits aux banques d'investissements comme Goldman, JPMorgan Chase et Morgan Stanley, alors que les consommateurs étaient obligés de payer plus cher pour remplir d'essence leur réservoir, allumer la lumière, ouvrir une cannette de bière ou acheter un portable. »

Ainsi, un tiers du prix d'un baril de pétrole serait dû à la spéculation, selon une note interne de 2011 de Goldman.

Depuis 2010 JPMorgan s'est lancé dans la spéculation sur le cuivre, s'emparant en quelques semaines de la moitié de tout le cuivre stocké dans les entrepôts mondiaux, faisant flamber le cours du cuivre. Finalement cette banque a obtenu en décembre dernier de la SEC, l'autorité des marchés financiers des États-Unis, l'autorisation pour elle-même, pour Goldman Sachs et BlackRock, une autre entreprise financière, d'acheter pour le compte d'investisseurs 80 % du cuivre disponible sur le marché et de le stocker dans leurs entrepôts.

C'est dire à quel point les organismes dont on veut nous faire croire qu'ils sont là pour contrôler et réguler la finance sont au contraire au service de cette frénésie spéculative, une activité parasitaire qui dévore l'économie réelle.

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