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- Lutte ouvrière n°2353
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Dans les entreprises
Continental condamné pour la fermeture de son usine de Clairoix : Une victoire morale pour les travailleurs
Bien plus que les 45 000 euros d'indemnités qu'un ouvrier ayant 20 ans d'ancienneté se voyait octroyer, les travailleurs se sentaient confortés dans leur combat contre leur patron. Les quelque 700 travailleurs qui, au terme de leur lutte, avaient tenu à assigner Continental en justice entendaient montrer qu'ils n'acceptaient pas le désastre humain provoqué par l'appât du gain d'un groupe multimilliardaire.
Ce jugement a été rendu par un juge professionnel, les juges salariés et employeurs ne s'étant pas mis d'accord. Il affirme que « la suppression du site de production de Clairoix et donc de l'emploi des salariés ne se justifiaient que par la volonté d'accroître encore davantage les profits au bénéfice du groupe ». C'est ce que les travailleurs disaient depuis l'annonce de la fermeture de cette usine et le licenciement de ses 1 113 salariés.
Ce jugement confirme ce que le tribunal administratif d'Amiens avait déjà jugé il y a quelques mois. La société soi-disant indépendante qui regroupait les usines de Clairoix dans l'Oise et Sarreguemines en Moselle n'était qu'une fiction. Les actionnaires de Continental AG, groupe géant de l'industrie qui regroupe plus de 170 000 salariés dans le monde, étaient bien les véritables employeurs des salariés de Clairoix. Les difficultés économiques invoquées par le groupe se basaient sur des prévisions et non des réalisations. La division de pneus tourisme pour l'Europe, dont fait partie l'usine, n'a jamais connu de difficultés économiques. La faible baisse de 1,6 % du chiffre d'affaires pour une courte période de quelques mois avait été précédée en 2008 de résultats exceptionnels et suivie en 2010 d'une augmentation encore plus forte des profits.
Au-delà du jugement, la réalité c'est que, chez Continental comme dans tous les grands groupes capitalistes, les fermetures d'usines et les licenciements sont aujourd'hui un des moyens privilégiés pour accroître de façon rapide les profits. Chez Continental cela prend des dimensions exemplaires. De 2009 à 2012, les profits officiels, marges bénéficiaires et désendettement, dépassent les 12 milliards. Dans cette période, outre l'usine de Clairoix, celle d'Asnières en région parisienne et celle de Stöcken en Allemagne ont fermé. 400 salariés de Rambouillet ont été licenciés. Les salariés de Sarreguemines se sont vu imposer des baisses de salaires considérables par la remise en cause de leurs droits et par la baisse substantielle de la participation, « pour financer le plan social de Clairoix », a eu le culot de dire la direction.
Au final, en mai 2013, l'assemblée générale des actionnaires a voté une augmentation de 50 % des dividendes versés aux seuls actionnaires. Et deux mois plus tard est tombée l'annonce d'une nouvelle fermeture d'usine, celle de Bizerte en Tunisie avec ses 400 emplois. Elle avait été ouverte en 2009 pour, a-t-on dit à l'époque, reprendre le travail des salariés licenciés de Rambouillet.
Mais la seule chose qui a changé la donne est la lutte acharnée des travailleurs de Clairoix. Certes elle n'a pu stopper l'offensive patronale, qui continue, mais elle a changé le moral des travailleurs bien au-delà de l'usine. D'abord, sans elle, ces jugements, pour une fois favorables aux travailleurs, auraient eu peu de chance de voir le jour. Mais surtout elle a été ressentie comme un acquis par bien des travailleurs. Et elle a été à l'origine de réactions des travailleurs face aux attaques patronales à Sarreguemines, Toulouse, Foix, Boussens, Hambach, mais aussi en Allemagne. Elle a maintenu jusqu'à aujourd'hui la mobilisation de centaines de travailleurs de Clairoix continuant la lutte pour imposer leur reclassement effectif, 600 d'entre eux étant encore à Pôle emploi. Et elle a permis une mobilisation concertée regroupant une partie des syndicats des diverses usines de France aux côtés du comité de lutte de Clairoix. Tout cela en affirmant toujours l'unité d'intérêt des travailleurs au-delà des usines et des frontières.
Quel que soit l'avenir juridique de ce jugement - car une juridiction supérieure peut le réduire à néant - il est un acquis moral. Le refus de l'inacceptable ne peut que conforter tous les travailleurs qui veulent s'opposer avec force, par tous les moyens, aux attaques patronales.