- Accueil
- Lutte ouvrière n°2349
- Tunisie : Les manifestations se poursuivent
Dans le monde
Tunisie : Les manifestations se poursuivent
Des sit-in sont organisés depuis lors sur la place du Bardo, dans la banlieue de Tunis, par les opposants au gouvernement. Dans la soirée du 4 août, quinze mille manifestants, essentiellement des femmes, ont défilé pour dénoncer la montée des actes terroristes, le terrorisme d'État que constituent les assassinats de figures de l'opposition de gauche, et appeler au départ du gouvernement.
Le 6 août, une nouvelle manifestation était organisée par l'opposition de gauche et la centrale syndicale UGTT. La date choisie avait pour but de rappeler que, six mois après l'assassinat du militant du Front populaire Chokri Belaïd, l'enquête est toujours au point mort, même si la responsabilité des milieux salafistes, agissant directement ou non pour le compte d'Ennahda, semble évidente aux yeux de tous.
L'opposition au gouvernement de la « troïka » – deux partis laïques de centre-gauche y participent en effet aux côtés d'Ennahda – ne s'exprime pas que dans la capitale. Dans plusieurs régions où la population pauvre est largement majoritaire, la mobilisation contre le gouvernement donne de la voix. À Sidi Bouzid, ville où le jeune vendeur ambulant Mohamed Bouazizi s'était immolé par le feu en décembre 2010 et dont Mohamed Brahmi était député, le gouverneur a été empêché de prendre ses fonctions pendant une semaine, et n'a dû son retour qu'à l'intervention de la police. En même temps, à Menzel Bourguiba, près de Bizerte, les 4 000 travailleurs licenciés après la fermeture des usines JAL, où étaient fabriquées des chaussures de sécurité, se sont rassemblés pour réclamer le paiement de leur allocation de 200 dinars. À Messadine, près de Sousse, l'entreprise Léoni qui fabrique des câbles automobiles pour BMW a été bloquée par les grévistes exigeant des augmentations de salaire. Partout, le chômage qui perdure et la hausse des prix pèsent sur la population, en particulier les plus jeunes. C'est au point que la banque centrale tunisienne se dit inquiète de la situation et de la croissance de l'inflation (6,4 % en glissement annuel, d'après elle).
La bourgeoisie tunisienne, comme son homologue européenne, s'inquiète sans doute de l'insatisfaction de la population, deux ans après le départ de Ben Ali. L'incapacité du gouvernement à assurer le calme social propice aux affaires et au tourisme n'est pas pour la rassurer. C'est pourquoi un changement de figures à la tête du gouvernement, par exemple avec le retour de Caïd Essebsi, est envisagé. Mais ce n'est pas une nouvelle tête politique, quelle qu'elle soit, qui prendra en compte les intérêts de la population pauvre.
C'est autour de la classe ouvrière, en se basant sur ses exigences et sur celle de la population pauvre, qu'une alternative doit se construire, face à Ennahda mais aussi à ses partenaires ou opposants dits démocrates.