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- Lutte ouvrière n°2349
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Suisse : Économies criminelles sur la sécurité ferroviaire
On a rapidement su que le train qui venait de Payerne et qui venait de s'arrêter à Granges-près-Marnand n'aurait pas dû repartir avant le passage du RégioExpress dit accéléré qui venait de Lausanne. Les deux trains auraient dû se croiser sur la deuxième voie prévue à cet endroit.
« Erreur humaine », « non-respect d'un feu de signalisation », ont titré tous les journaux. Le conducteur qui n'aurait pas respecté un feu de signalisation a été très promptement mis en cause par la police suisse et la direction des CFFS (compagnie des chemins de fer suisses).
Mais il s'avère qu'il n'y a aucun dispositif de sécurité pour pallier une éventuelle défaillance humaine. Sur cette ligne, comme sur la plupart des lignes régionales suisses, il n'y a aucun dispositif sur les voies relié au train, pour l'arrêter si nécessaire. Et le deuxième feu, au rouge, qui indique un freinage d'urgence, actionné d'ailleurs par le conducteur, était placé trop près de l'aiguillage pour permettre au train de s'arrêter avant d'arriver sur la voie unique.
C'est le dispositif Sigmum, qui date des années 1930, qui est appliqué sur la plupart des voies de circulation. Les cinquante ans de retard en matière de sécurité sont dénoncés par les syndicats et les cheminots suisses, parallèlement aux milliers de suppressions de postes. L'ouverture à la concurrence, la recherche de la rentabilité – les lignes régionales ne seraient pas suffisamment rentables –, l'éclatement des CFFS entre deux sociétés gérant séparément les infrastructures et le transport (comme à la SNCF), tout est fait pour réduire les dépenses de personnel en négligeant la mise à niveau de la sécurité de circulation des trains, ainsi d'ailleurs que celle des travailleurs sur les chantiers de rénovation des voies.
Sur 70 % des lignes suisses, le conducteur est seul à bord du train et a l'entière responsabilité des arrêts et départs. Les CFFS ont supprimé les contrôleurs, ainsi que les chefs de gare. La sécurité passe après d'autres investissements qui rapportent gros aux firmes du BTP et du matériel ferroviaire. Après cette catastrophe, la direction des CFFS parle d'accélérer la modernisation des équipements de sécurité pour généraliser des procédés en cours dans les autres pays européens et récemment sur quelques grandes lignes en Suisse.
« La Confédération n'a pas un budget illimité », « et augmenter de nouveau fortement le prix des billets paraît difficile », a déclaré à la presse Andreas Meyer, patron des CFFS. Mais peut-être sera- t-il tout de même possible de trouver 50 millions de francs suisses pour installer 1 700 signaux sur les voies d'ici 2018, alors que les dégâts matériels de cette catastrophe sont évalués à huit millions de francs suisses.
« Nous devons fixer des priorités », ajoute le patron des CFFS. La sécurité de circulation des trains, celle des cheminots et des voyageurs, apparemment, n'en est toujours pas une.