Portugal : 27 juin, nouvelle journée de grève générale10/07/20132013Journal/medias/journalnumero/images/2013/07/une2345.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Portugal : 27 juin, nouvelle journée de grève générale

Le lundi 1er juillet le ministre de l'Économie, Vitor Gaspar, a démissionné. Le lendemain, Paulo Portas, ministre des Affaires étrangères et chef du CDS-PP, le parti le plus à droite du Parlement, a présenté lui aussi sa démission, refusée par le Premier ministre, Passos Coelho. Le CDS participe au gouvernement PSD, mais il n'est pas d'accord avec les hausses d'impôts. Dans le même temps, les marchés financiers ont eu à nouveau des doutes sur la stabilité du pays et la spéculation sur la dette portugaise a repris de plus belle.

Paulo Portas reste finalement aux Affaires étrangères. Mais toutes ces valses-hésitations ministérielles montrent à l'évidence les difficultés que rencontrent les gouvernants dans la mise en place des politiques d'austérité.

La grève générale du jeudi 27 juin a été un succès. Un million de personnes ont participé aux rassemblements et aux manifestations organisés dans tout le pays, autant que lors des manifestations du 15 septembre 2012, appelées par les réseaux sociaux, à la suite desquelles le gouvernement avait renoncé à augmenter de 7 % les cotisations sociales des salariés et à diminuer d'autant celles des patrons.

Le succès de cette journée syndicale vient de ce que les conditions de vie et de travail de tous se sont brutalement aggravées. Cette fois-ci, la confédération UGT, qui regroupe des militants liés au Parti socialiste et à la droite, s'était jointe à la CGTP, liée au Parti communiste. Le nouveau secrétaire général de l'UGT reproche au gouvernement de droite de ne pas assurer sa part dans la « concertation sociale ». Le patronat lui-même était de connivence avec le mouvement, les quatre principales fédérations patronales (industrie, commerce et services, tourisme et agriculture) déclarant qu'il serait irresponsable de défendre ou de poursuivre le plan d'austérité annoncé début mai. Dans la filiale de Volkswagen Autolatina, près de Setubal, la direction a fermé l'usine et payé la journée.

Il reste que, même si les salariés des entreprises privées semblent avoir plus participé au mouvement, le gros des grévistes et des manifestants appartenaient à la fonction publique. Comme d'habitude, à Lisbonne, le métro était fermé et il y avait peu de navettes traversant le Tage ; il y avait peu de trains, peu de bus et les hôpitaux étaient réduits aux urgences. La menace de « mobilité spéciale », c'est-à-dire de mise en inactivité puis au chômage, qui pèse sur tous les fonctionnaires a en plus mobilisé le personnel des tribunaux et des administrations.

Les enseignants ont peu participé. Ils sortaient victorieux d'un bras de fer de trois semaines avec le gouvernement qui voulait leur appliquer, comme à tous les fonctionnaires, la « mobilité spéciale » et la semaine de travail de 40 heures, au lieu de 35. Le terrain de l'affrontement a été les examens. Le gouvernement pensait que la grève des examens et des évaluations de fin d'année scolaire serait impopulaire. Cela n'a pas été le cas. L'épreuve de français du bac, n'a pu se tenir qu'à moitié. Dans certains établissements où les non-grévistes étaient suffisamment nombreux pour assurer l'examen, ce sont des étudiants qui l'ont perturbée, envahissant les salles et chantant Grandola vila morena, la chanson qui symbolise la « révolution des oeillets » du 25 avril 1974 et qui depuis un an sert de ralliement aux contestataires. Pour l'épreuve de maths, prévue le 27 juin, les préavis de grève étaient déposés. Le gouvernement a cru jouer au plus fin en avançant la date au 26 juin, jour pour lequel il n'y avait pas de préavis de grève. La grève s'annonçait tellement unanime qu'il a préféré reculer le 26 même, renonçant à la « mobilité spéciale » et aux 40 heures pour les enseignants.

Le succès des enseignants et la bonne tenue de la grève générale montrent que les travailleurs rejettent le plan d'austérité qui, sous prétexte d'économiser 4,8 milliards d'euros, prévoit de supprimer 30 000 postes de fonctionnaires, d'augmenter leur temps de travail et de s'en prendre à leurs revenus, ainsi qu'à ceux de tous les retraités. L'austérité appliquée depuis deux ans ne fait qu'approfondir la récession que connaît le pays. Le premier trimestre de cette année a vu un déficit budgétaire de 10 %, contre 7,9 % l'an passé. Et l'économie ne repart pas. Selon le gouvernement, le produit intérieur brut (PIB) reculera cette année de 2,3 %. Le chômage frappe 18 % de la population active, 42 % des jeunes. Depuis fin 2008, 800 000 emplois ont été supprimés (15 % du total) et les salaires ont diminué de 12 %.

Le mécontentement s'exprime à l'appel des syndicats, des partis de gauche et des mouvements sociaux, dont le plus connu est Que se lixe a Troika (Que la Troïka - Union européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international - aille se faire voir). Ces organisations fournissent aux travailleurs portugais des occasions d'exprimer leur colère, mais ne proposent pas une politique qui leur offre les moyens de tester et d'augmenter leurs forces ni ne proposent des objectifs qui contestent la mainmise de la bourgeoisie sur toute la société.

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