- Accueil
- Lutte ouvrière n°2344
- Brésil : Un mouvement profondément populaire
Dans le monde
Brésil : Un mouvement profondément populaire
Cependant, lundi 1er juillet, les camionneurs prenaient le relais et bloquaient routes et péages, pour protester contre le prix du gazole. Ils bloquaient le port de Santos, débouché maritime de São Paulo. Des manifestations parcouraient encore Campinas, dans l'État de São Paulo, des grèves de bus paralysaient Recife dans le Nordeste et Manaus en Amazonie. Rien ne dit donc que ce soit la fin du mouvement qui, dirigé au début contre les hausses dans les transports, s'est ensuite étendu à toutes les revendications des classes populaires : éducation, santé, conditions de vie et de travail, et jusqu'à la corruption des milieux politiques.
On a lu et entendu un peu partout, dans les médias français aussi bien que brésiliens, que les acteurs de ces mobilisations étaient les « classes moyennes ». Lula, président de 2003 à 2010, aurait fait sortir de la pauvreté 50 millions de Brésiliens qui ont rejoint ces classes moyennes. Cela donnait l'impression que la révolte était le fait de la petite bourgeoisie prospère, et non pas des ouvriers, des employés, des vendeurs de rue, bref, du petit peuple.
Il est vrai qu'y compris des gens aisés ont été touchés par ce mouvement profond et l'ont soutenu. Certains ont suivi leurs enfants ou petits-enfants confrontés au chaos de l'éducation ou à la misère des hôpitaux. Mais ces couches-là n'ont pas été à l'origine des manifestations, parce qu'elles n'empruntent ni bus ni métro, et parce que pour elles une augmentation de 20 centimes de real (7 centimes d'euro) est négligeable. Beaucoup d'étudiants en sont issus, mais autant viennent des couches populaires et doivent travailler pour payer leurs études.
À un certain moment, la droite a tenté de mobiliser ses troupes, plutôt aisées, pour récupérer le mouvement. Dans les manifestations, ces gens étaient capables de huer le gouvernement dirigé par le Parti des travailleurs, classé à gauche, mais pas de défendre les revendications populaires auxquelles ils sont opposés.
Non, ceux qui se sont mobilisés, jeunes et moins jeunes, sont ceux qui étaient concernés par les hausses des tarifs des transports, ceux pour qui 20 centimes de real par ticket de transport est une somme qui compte. Ils dépensent chaque mois 80 euros ou plus en transports, sur des salaires entre 240 (le salaire minimum national) et 500 euros. Les gouvernants peuvent se faire plaisir en les rangeant dans les classes moyennes. Les sociologues peuvent expliquer gravement que telle employée de maison qui a appris à lire et gagne 500 euros accède à la consommation parce qu'elle s'achète un appareil électrodomestique, un lecteur de DVD, un téléphone portable ou un ordinateur.
Dernièrement, les directions syndicales ont rejoint la contestation. Le 25 juin, les principales confédérations et le Mouvement des sans-terre (MST) ont appelé à une journée de grève le 11 juillet, à la veille d'une rencontre avec la présidente, « pour les libertés démocratiques et pour les droits des travailleurs ». Sous cette formule, chacun peut mettre ce qu'il veut. Ainsi le dirigeant de Força sindical, une centrale droitière et modérée, a précisé qu'il ne s'agissait pas là d'une grève générale, mais qu'il entendait critiquer « la politique économique du gouvernement et manifester contre l'inflation ».
Malgré la modération de l'appel, si la classe ouvrière s'en saisit, cette journée de grève pourrait relancer le mouvement, et permettre aux travailleurs d'affirmer leurs propres revendications.