Brésil : Révolte contre les tarifs des transports, et au-delà19/06/20132013Journal/medias/journalnumero/images/2013/06/une2342.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Brésil : Révolte contre les tarifs des transports, et au-delà

Les manifestations qui ont parcouru les avenues des principales villes du Brésil, dans la soirée du lundi 17 juin, étaient les plus nombreuses depuis celles qui en 1992 avaient obtenu la démission du président corrompu Fernando Collor. 100 000 manifestaient à Rio, 60 000 à Sao Paulo, des milliers à Brasilia, Bahia, Porto Alegre, etc. Cela fait une semaine que le mouvement a commencé, contre l'augmentation des tarifs des transports en commun. Lundi, la répression policière s'est déchaînée à Rio. Jeudi 13, c'était à Sao Paulo, où la police antiémeute, à coups de matraques, de grenades lacrymogènes et de balles en caoutchouc, a fait plus de cent blessés, y compris parmi les journalistes.

L'augmentation du prix des transports a été la goutte d'eau qui a fait déborder la colère populaire. À Sao Paulo, le ticket de métro est passé de 3 à 3,20 reales (1,12 euro). Des hausses semblables sont intervenues à Rio et dans la plupart des grandes villes. Même si les manifestants ont obtenu par endroits le retour à l'ancien tarif, comme à Porto Alegre ou Natal, les maires et gouverneurs d'État, de gauche comme de droite, ont refusé de négocier à Rio et Sao Paulo. Ils ont qualifié les manifestants de vandales et de fauteurs de troubles. Le ministre de la Justice a même promis contre eux l'aide de la police fédérale (l'équivalent brésilien du FBI) et des services secrets.

Dans les grandes villes brésiliennes, les transports en commun sont un désastre. Ces villes se sont démesurément développées dans les années 1950-1960, en même temps que le parc automobile et les autoroutes. Les chemins de fer y sont à peu près inexistants, le réseau du métro embryonnaire et les dizaines de milliers de bus et de camions se mêlent aux autos (à Sao Paulo plus de 5 millions) pour former de gigantesques embouteillages. On y voyage serrés comme des sardines, à la merci des retards et des accidents, sans parler des agressions auxquelles sont exposées les femmes.

Ce n'est pas le problème des compagnies de bus, toutes privées, qui ne visent qu'à tirer le maximum de profits des usagers, tout en empochant les aides des municipalités, des États et de l'État central. C'est ainsi que le maire de Sao Paulo a non seulement accepté les dernières augmentations, mais qu'il a aussi autorisé 75 passagers par bus, au lieu de 65 jusqu'ici. Les véhicules n'ont pas grandi, simplement on est encore plus serrés, tout en payant plus cher. Les élus et les partis n'ont rien à refuser à ces compagnies, qui financent leurs campagnes électorales.

Le salaire minimum brésilien équivaut à 240 euros, et le salaire ouvrier moyen à Sao Paulo est environ le double. Un salarié qui emprunte deux moyens de transport pour aller à son travail, ce qui est la règle, dépense chaque mois 80 euros en transport, parfois au détriment de son alimentation. C'est aussi pourquoi, dans tout le pays, les étudiants revendiquent le droit au transport gratuit. 37 millions de Brésiliens ne pourraient payer les transports et seraient obligés de se déplacer à pied.

Le Brésil accueille en ce moment la Coupe des confédérations, prélude à la Coupe du monde de football l'an prochain. Et en 2016 il accueillera les jeux Olympiques. En vue de ces festivités, le gouvernement aimerait bien faire taire toute révolte, balayer des rues non seulement la mendicité mais aussi toute forme de revendication.

Mais c'est justement les dépenses folles engagées (15 milliards de dollars pour le Mondial de 2014) qui suscitent la révolte, à un moment où la croissance est en panne, où l'inflation dépasse 6 % et où la santé, le logement et l'éducation partent à vau-l'eau. Les grands travaux profitent aux plus riches, mais se traduisent pour les pauvres par des expropriations, des expulsions et des hausses d'impôts. Aujourd'hui, les capitalistes et les gouvernants sont en train de recevoir la monnaie de leur pièce.

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