Sarkozy mis en examen : Parce qu'il le valait bien ?27/03/20132013Journal/medias/journalnumero/images/2013/03/une2330.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Sarkozy mis en examen : Parce qu'il le valait bien ?

Nicolas Sarkozy a été mis en examen pour « abus de faiblesse ». Un juge le soupçonne d'avoir soutiré en février 2007 des fonds à Liliane Bettencourt, milliardaire fort âgée et affaiblie par la maladie. Il s'agissait, semble-t-il, de compléter des versements déjà effectués par le gestionnaire de fortune des Bettencourt à Éric Woerth, trésorier de la campagne présidentielle de Sarkozy. Ces versements, non déclarés, font l'objet d'une autre instruction judiciaire.

Les amis de l'ex-président se sont immédiatement offusqués, parlant de « juge partial », « d'acharnement judiciaire », etc. Sarkozy proclame son innocence et parle de « laver son honneur ». Les habituels spécialistes de la vie politique ont déploré cette nouvelle affaire mélangeant vie publique et fonds secrets. L'affaire est pourtant confondante de banalité. En effet, où les politiciens comme Sarkozy pourraient-ils trouver des fonds excédant les possibilités légales, si ce n'est auprès de gens comme les Bettencourt, neuvième fortune mondiale ?

Ces derniers ont en effet la réputation d'avoir le cœur sur la main. Le père subventionnait déjà la droite et l'extrême droite avant la guerre. Sa société, L'Oréal, a recyclé dans les années 1950 bon nombre de hauts cadres compromis avec Vichy. Bettencourt, gendre du fondateur, avait d'excellentes relations avec toute la faune politicienne des Quatrième et Cinquième républiques, de Mitterrand, l'ami de jeunesse, à Sarkozy, le petit jeune plein d'avenir. Tous ces gens trouvaient chez lui table et coffre-fort ouverts. Son épouse, fort logiquement, a pris la suite.

Mais, pour le malheur de Sarkozy, les largesses de la vieille dame n'étaient pas exclusivement politiques. Elle a également déversé ses bontés sur certains de ses amis, en particulier un artiste très cher, poussant sa fille et unique héritière à faire intervenir la justice. Une fois le couvercle soulevé, sont apparus les heureux bénéficiaires, l'artiste en question, puis d'autres amis, puis le gestionnaire. Ont suivi Woerth, trésorier de l'UMP, dont l'épouse fut un temps gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt, et finalement Sarkozy lui-même.

Pas grand-chose de tout cela n'est pour l'instant prouvé. On peut compter sur les capacités financières des divers mis en cause pour faire durer la procédure aussi longtemps qu'il faudra, voire pour parvenir à l'enterrer ou à se disculper d'une façon ou d'une autre. Ils se retrouveront donc innocents comme au jour de leur naissance.

Mais il est remarquable que les multiples commentaires que cette affaire à rebondissements suscite ne portent que sur la façon dont Liliane Bettencourt dépense ses milliards, jamais sur celle dont elle les obtient. Car, du gigolo au président en passant par les commentateurs, tous sont d'accord : la propriété privée est sacrée, le tout est de savoir la conforter et la défendre. Quitte à être payé de quelques miettes offertes par ceux qui la détiennent.

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