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Japon, deux ans après Fukushima : Une situation toujours inquiétante
La décontamination a été confiée à des géants des travaux publics, dont le seul mérite est d'être proches des milieux gouvernementaux, mais qui emploient des moyens rudimentaires tels que pelles et balais, plus économiques que des engins mécaniques. Trois mille travailleurs se relaient jour et nuit sur le site, pour enlever quelques centimètres de terre de surface et des branchages, stockés ensuite dans des sacs ou des poubelles, sans surveillance, car nul ne sait où les évacuer. À ce jour, 15 % seulement du travail a été effectué. Un dirigeant de Tepco, l'entreprise qui continue d'exploiter la centrale même si elle a été nationalisée, a annoncé qu'il envisageait de rejeter l'eau radioactive dans le Pacifique (une goutte d'eau dans la mer, doit-il penser !) car personne ne sait quoi en faire.
Des conditions de travail indignes
Les travailleurs qui oeuvrent à la décontamination sont des employés de Tepco ou de ses sous-traitants. D'autres sont même envoyés par les yakuzas, la mafia japonaise. Ils touchent des salaires inférieurs parfois de moitié à ceux versés sur les chantiers, pour des conditions de travail faisant fi de leur santé et de leur sécurité, voire carrément illégales. Un tiers des salariés n'auraient même pas de contrat de travail. Ils restent sur le site jusqu'à ce qu'ils soient contaminés à hauteur de 100 millisieverts, dose maximale autorisée, mais des responsables ont demandé à certains de recouvrir leur compteur de plomb pour tricher sur les doses reçues : selon le ministère de la Santé, plus de 200 travailleurs auraient ainsi dépassé l'exposition admissible, certainement beaucoup plus dans la réalité.
Quant à l'impact de la contamination sur la santé des habitants de la région de Fukushima, il faudra sans doute plusieurs années pour en mesurer les dégâts, et son étendue ne sera connue que si les organismes officiels de santé et le gouvernement font la transparence sur ce sujet, ce qui est loin d'être acquis.
Les indemnisations se font attendre
Pour l'instant, le gros problème que rencontrent les personnes évacuées d'un rayon de vingt kilomètres autour de la centrale est celui des indemnisations. Les entreprises qui ont fourni du matériel qui s'est avéré défaillant, telles General Electric, Hitachi ou Toshiba, nient toute responsabilité. Tepco de son côté s'est déclaré dans l'impossibilité de payer pour les dégâts commis à cause de son irresponsabilité et l'État japonais a pris le relais en le nationalisant en juin 2012. Il a pris les indemnisations à sa charge, mais renacle à les verser.
Ainsi, alors que leur habitation a été balayée par le tsunami, on demande aux habitants des papiers justificatifs ! Les 160 000 personnes déplacées n'ont reçu qu'une fraction de la somme à laquelle elles peuvent prétendre, et ce qu'elles ont touché pour l'instant ne leur permet pas de commencer ailleurs une nouvelle vie, ni même souvent de subsister. Et ceux qui, par crainte pour leur santé et celle de leurs enfants, ont choisi de déménager sans y être contraints n'ont droit à rien.
Y aura-t-il un jour un retour à la normale à Fukushima et la population japonaise pourra-t-elle se sentir vraiment à l'abri de la répétition d'une telle catastrophe ? Certainement pas, tant que l'énergie nucléaire restera entre les mains de fraudeurs, de menteurs, d'irresponsables qui grappillent quelques sous en rognant sur la sécurité, et qui sont couverts par un État complice. C'est vrai pour le nucléaire au Japon, cela l'est aussi partout dans le monde, où la production est entre les mains d'une poignée de profiteurs qui font passer leurs profits avant la vie de l'ensemble de la population.