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- Lutte ouvrière n°2328
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Editorial
Il n'y a pas de sauveur suprême, ni au Venezuela ni ailleurs
Les commentateurs des médias ont été étonnés devant les foules immenses de pauvres qui, au Venezuela, ont accompagné les obsèques de Chavez.
Eh oui, Chavez était un président qui avait su attirer la sympathie des masses pauvres de son pays. Mais, comme en témoignait la présence de plusieurs dizaines de chefs d'État ou leurs représentants, il avait su tout aussi bien se faire accepter par les grands dignitaires de ce monde.
Chavez était un des rares chefs d'État de pays sous-développé qui avait su dire non aux grandes puissances, en l'occurrence les États-Unis, et aux représentants des grands trusts qui dominent l'économie de ces pays.
De plus, il avait une politique sociale qui tranchait sur celles de tant de dirigeants politiques d'Afrique, d'Amérique latine et d'Asie. Ceux-ci empochent les miettes que leur concèdent les grands trusts qui pillent leurs pays, sans en laisser la moindre retombée pour leurs peuples. Il a utilisé une partie de l'argent du pétrole pour créer des écoles et des centres de santé dans les quartiers populaires, alors que tant de protégés de grandes puissances se moquent d'apprendre à lire et à écrire aux enfants de leurs pays et ne se soucient même pas qu'ils puissent manger à leur faim.
Chavez a su s'opposer aux multinationales américaines et imposer ses conditions. Mais il n'est pas allé jusqu'à confisquer les intérêts étrangers dans le pétrole. Il s'est contenté d'accroître le contrôle de l'État, et cela a suffi pour qu'il devienne la bête noire des dirigeants américains.
C'est son courage à s'opposer à la première puissance mondiale qui a fait sa popularité. Il a redonné fierté et dignité à son peuple piétiné par l'impérialisme.
La popularité dont bénéficiait Chavez donne une idée, fût-ce indirectement, de la haine suscitée en Amérique latine par la domination impérialiste, et en particulier par les États-Unis.
Ces peuples ont été exploités, opprimés pendant des siècles. Leurs richesses naturelles ont été pillées. Pour tirer bénéfice de la culture de la canne à sucre, du coton, on leur a imposé l'esclavage. La mémoire de ce passé de pillage, d'oppression et d'exploitation survit d'autant plus qu'il continue sous d'autres formes. La souffrance des victimes des putschs et des dictatures soutenues par les États-Unis n'est pas seulement inscrite dans la mémoire collective, elle est inscrite dans la chair de millions de femmes et d'hommes en lettres de sang.
La présence aux obsèques de Chavez de tant de chefs d'État ou de leurs représentants a montré que ceux-ci reconnaissaient en lui un des leurs. Chavez était intégré au concert des chefs d'État et au monde capitaliste.
Chavez ne combattait pas réellement l'impérialisme, car il ne combattait pas la base sur laquelle il repose : la propriété capitaliste. Si l'État a pris, en partie, le contrôle de l'industrie pétrolière, il n'a pas exproprié les classes possédantes. Les riches ont continué à prospérer et sont toujours les maîtres de l'économie. Quant à « l'ennemi américain », il continue de piller le pétrole, tant et si bien que le Venezuela est resté son principal fournisseur.
Malgré les mesures sociales, le pays est empêtré dans le sous-développement. Redistribuer aux plus pauvres une partie de la rente pétrolière n'a pas supprimé les inégalités, le chômage et la misère, car l'économie du pays continue d'être pillée et dominée par les grandes puissances.
Sauf mettre à bas l'impérialisme, il n'y a pas d'échappatoire pour les pays pauvres. Et cela ne peut pas être le fait d'un homme providentiel, car il ne s'agit pas seulement de remplacer un homme par un autre. Il s'agit de transformer les bases de la société, de remettre en cause la propriété capitaliste et faire en sorte qu'il n'y ait plus de privilèges et de privilégiés.
Cela ne peut se faire sans que la classe ouvrière s'en mêle. Cela ne peut se faire que collectivement, par l'organisation consciente de tous les exploités prenant la direction de l'économie. C'est la seule voie qui peut faire en sorte que, dans des pays comme le Venezuela, l'Algérie, le Niger, le Gabon et bien d'autres encore, la grande majorité de la population ne soit pas condamnée à la misère.
En revenant des obsèques de Chavez, le ministre socialiste de l'Outre-mer a déclaré, en substance, que le monde gagnerait si, parmi les dirigeants des pays pauvres, il y en avait qui ressemblaient à Chavez. Quelle hypocrisie ! Si tant de régimes pourris et corrompus perdurent en Afrique, c'est en raison du soutien, au besoin militaire, de l'impérialisme français. Et ce, que le gouvernement soit de droite ou de gauche.
Éditorial des bulletins d'entreprise du 11 mars