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Chypre, après l'alternance électorale : L'austérité n'a pas de frontières
Face à Anastasiades, l'ancien président de la République Dimitris Christofias du Parti communiste (AKEL) ne s'était pas présenté. Craignant sans doute le résultat après la politique d'austérité que son gouvernement a imposée depuis deux ans à la population, il avait cédé la place à Stavros Malas, ancien ministre de la Santé, qui n'est même pas officiellement membre du PC.
Depuis deux ans l'économie chypriote a subi les contrecoups de la faillite de la Grèce. En juin 2012 le gouvernement a appelé l'Union européenne à son secours car les banques étaient au bord de la faillite à la suite de la restructuration de la dette grecque qui leur a fait perdre 4,5 milliards d'euros. Le gouvernement Christofias a alors négocié avec la troïka (FMI, BCE et Commission européenne) un mémorandum prévoyant des mesures d'austérité et de restructuration de l'État. À la suite de ces mesures, le chômage a atteint près de 15 % de la population active, le pouvoir d'achat a diminué et le PIB a chuté de 2,3 % en 2012. Et l'Union européenne prévoit encore deux années de récession.
Anastasiades promet « des changements institutionnels radicaux, la modernisation de l'État et la restauration de la méritocratie ». Mais le plan de sauvetage n'est toujours pas approuvé par l'Union européenne, qui avance le fait que les banques chypriotes blanchissent de l'argent venant de la mafia russe et surtout utilise cette demande d'aide comme chantage. Elle voudrait en effet faire appliquer des mesures d'austérité encore plus draconiennes, ainsi que des privatisations dans des secteurs très rentables comme les télécommunications, l'électricité et le secteur portuaire.
Cette élection présidentielle, la septième depuis la fondation de la République de Chypre en 1960, est la première où la campagne n'a pas été axée autour des problèmes entre les communautés grecque et turque. Anastasiades s'est permis le luxe d'adresser un « message de paix » à « nos compatriotes chypriotes turcs » pour trouver une solution négociée. Il parle notamment de faire bénéficier les Chypriotes turcs d'une partie des importants gisements de gaz découverts dans les eaux territoriales de Chypre, qui sont devenus un nouveau motif de conflit entre les deux parties de l'île.
Cependant, Anastasiades a déjà commencé à flirter avec le mouvement d'extrême droite ELAM, pensant que cela pourrait l'aider à mener sa politique sans trop de réactions. Une grande partie des travailleurs, qui votaient pour le Parti communiste AKEL, sont en effet désorientés après la politique d'austérité menée par le gouvernement de celui-ci.
Dans la partie turque de l'île, la République turque de Chypre du Nord qui n'est reconnue que par la Turquie, la situation est analogue car le Parti communiste chypriote turc, le CTP dirigé par l'ancien président Mehmet Ali Talat, avait appliqué la même politique en contribuant à ramener la droite au pouvoir. Si la politique d'austérité ignore la ligne de démarcation qui partage l'île depuis 1974, la lutte des travailleurs ne devrait pas la connaître non plus.