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- Lutte ouvrière n°2326
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Italie - Les élections des 24 et 25 février : L'image du désarroi général
Comment gouverner l'Italie avec une majorité du Parti démocrate à la Chambre des députés mais pas au Sénat ? Après le résultat des élections des 24 et 25 février, ce sera certainement un beau casse-tête pour les politiciens de la péninsule et l'on verra maintenant s'ils parviennent à le résoudre. Mais dans l'immédiat si ce résultat témoigne de quelque chose, c'est du profond désarroi, voire de la rage d'une partie de l'opinion.
La gauche, si on peut encore l'appeler ainsi, a eu bien du mal à retrouver ses électeurs. Berlusconi, presque enterré il y a quelques mois, fait une remontée spectaculaire à coups de démagogie. Le professeur Monti, adulé par la bourgeoisie pour l'austérité qu'il a imposée au pays, a fait fuir même les électeurs du centre. Et surtout le « Mouvement 5 étoiles » du comique Beppe Grillo, proclamant que tous les politiciens italiens sont des incapables et qu'il va les renvoyer chez eux, semble avoir déjà rempli une partie de son programme en obtenant 25 % des voix.
LES EFFETS DE LA CRISE
Ce résultat, c'est d'abord celui de la crise et de la politique d'austérité que la population italienne paye depuis des mois. Il y a un peu plus d'un an que le gouvernement dit « technique » de Mario Monti a été imposé à la tête du pays pour remplacer un Berlusconi décrédibilisé, avec pour principal programme de rassurer les marchés financiers. Assuré du soutien du parti de Berlusconi, le PDL, mais aussi de celui du Parti Démocrate de Bersani, Monti a imposé sans obstacle l'augmentation de l'âge de la retraite, une réforme de la législation du travail libéralisant les licenciements, des coupes claires dans les budgets des services publics, une rafale de nouvelles taxes. Autant de mesures qui n'ont fait qu'aggraver la crise.
Le pouvoir d'achat en chute libre, les fermetures d'entreprise, l'augmentation du chômage notamment des jeunes, le désespoir de travailleurs jetés sur le carreau ou même poussés au suicide, tout cela n'a pas entamé l'optimisme de ce gouvernement de représentants des banques, satisfaits de voir la cote de l'Italie remonter sur les marchés financiers. Professeur d'économie à l'université Bocconi de Milan, fameuse pour former les « managers », Monti a tenu après les frasques de Berlusconi à afficher tout le sérieux possible. Mais cela n'a nullement empêché la poursuite des scandales financiers et de la corruption, provoquant la nausée de la population à l'égard des partis institutionnels et de leurs hommes.
Après des années de crise et d'austérité, sous Berlusconi puis sous Monti, la gauche représentée par le Parti démocrate de Bersani n'avait rien à promettre d'autre que la continuation de la même politique par le biais d'une coalition avec le parti de Monti. Le PDL de Berlusconi, lui, pas gêné par la démagogie, avait retiré son soutien à Monti dès l'automne, pour proclamer ensuite durant la campagne électorale que son premier geste en cas de victoire serait de restituer aux contribuables l'Imu, taxe foncière particulièrement impopulaire instituée par Monti... avec le soutien du PDL ! C'est ainsi qu'après des années de berlusconisme le PDL a encore pu faire jeu presque égal avec le PD.
LES RAISONS DU VOTE GRILLO
Il n'y a pas à chercher ailleurs les raisons du succès de Beppe Grillo. Déjà fort apprécié lorsqu'il n'était encore qu'un comique, pour ses dénonciations des absurdités de la société et de ceux qui la dirigent, Grillo a commencé ses succès en politique par les « vaffanculo days », autrement dit « les journées va te faire enc... » où il faisait un bras d'honneur aux politiques devant un public réjoui. Il a peu à peu constitué pèle-mêle le programme de son « non-mouvement » - car il ne veut pas être un parti - avec des charges contre la gabegie de l'État, pour l'environnement, la gestion participative, les énergies renouvelables, pour un salaire minimum, contre l'euro et l'Allemagne de Merkel. Mais on y trouve d'abord l'idée que tout est de la faute des politiciens qui ne pensent qu'à leurs fauteuils, et que si des braves gens venus du peuple prennent leur place ils n'auront pas besoin de programme pour faire que tout aille mieux.
Il est vrai, il est certain que les politiciens italiens de tous bords offrent un triste spectacle et que leur corruption est choquante au moment où ils demandent des sacrifices à la population. Toutes les dénonciations de la presse sont d'ailleurs centrées sur cette incapacité des politiques. Grillo s'est ainsi trouvé en résonance avec cette idée que les patrons, les ouvriers et toute la population seraient d'accord pour travailler ensemble et pourraient s'en sortir si l'obstacle n'était pas le système politique et sa pourriture. Mais au passage ce sont les vrais responsables de la crise, les capitalistes, les banques et le système financier, qui sont ainsi éclipsés ; comme si cette crise était due à une incapacité spécifique des politiciens italiens... que les partisans de Grillo se font fort de remplacer.
Le mouvement de Grillo a trouvé en effet des candidats qui se disent prêts à jouer leur rôle au Parlement en se prononçant au cas par cas mais sans accepter de coalition ni avec la droite ni avec la gauche. On verra combien cela durera. Mais ce que les succès des « grillini » met en accusation est d'abord l'incapacité de la gauche italienne à offrir une quelconque perspective aux masses victimes de la crise et d'abord aux travailleurs. C'est la gauche qui a fait son possible pour les convaincre que la lutte de classes n'avait pas de sens, qui a mené une politique de gouvernement égale à celle de la droite et qui a désorienté les travailleurs pour finir par les rejeter dans la recherche désespérée d'un sauveur qui n'existe pas.
Mais la lutte des classes existe et elle va continuer, en tout cas de la part des capitalistes et des financiers contre les travailleurs. Ils n'auront d'autre choix que de la mener eux aussi, mais sur leur propre programme, pour leurs propres intérêts, et ainsi de se sauver eux-mêmes.