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- Lutte ouvrière n°2325
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Amiante - la juge Bertella-Geffroy menacée de mutation : Ceux qui voudraient enterrer les procédures
Avant l'amiante, Marie-Odile Bertella-Geffroy a instruit l'affaire de l'hormone de croissance, celle du sang contaminé et du vaccin contre l'hépatite B. Elle instruit également les problèmes de santé découlant de la guerre du Golfe de 1991 et ceux engendrés par les radiations nucléaires ; des dossiers souvent très lourds où la responsabilité de chefs d'entreprise ou de dirigeants politiques peut être engagée. On comprend que certains d'entre eux ne seraient pas mécontents de voir celle que des médias appellent « l'emmerdeuse de la République » déchargée de ces instructions, afin qu'elles restent enterrées le plus longtemps possible.
Certains au sein de sa hiérarchie lui reprochent que ses instructions prennent trop de temps. Mais la lenteur de celles-ci découle pour une bonne part des moyens que cette même hiérarchie ne lui donne pas. Certains s'étonnent que ses instructions n'aillent pas aussi vite qu'en Italie. Mais, selon la juge française, le magistrat instructeur de Turin qui a fait condamner les responsables de l'usine Eternit a pu disposer d'une équipe de trente personnes (enquêteurs, experts, magistrats) pour faire avancer ses dossiers, alors qu'elle n'a disposé, en tout et pour tout, que d'un unique enquêteur ! Ainsi l'affaire Eternit a pu être jugée, alors que l'affaire de l'amiante à Jussieu, par exemple, traîne depuis dix-sept ans !
La juge dénonce aussi comme un frein au bon fonctionnement le mode de désignation, en France, des juges comme des enquêteurs. La carrière des uns comme des autres dépend des ministères de la Justice pour les premiers et de l'Intérieur pour les seconds. Depuis cinq ans, par exemple, on lui a proposé plusieurs promotions qui auraient eu pour conséquence de la sortir des dossiers qu'elle instruit. Elle a résisté à ces sirènes, soucieuse de mener jusqu'au bout ses dossiers, vis-à-vis des justiciables et dans un but de prévention pour l'avenir.
La juge relève aussi qu'à chaque mise en examen qu'elle prononce, les avocats des responsables mis en cause déclenchent une procédure en annulation, qui leur permet encore de gagner du temps.
En 2005, les affaires concernant l'amiante avait été regroupées pour plus d'efficacité. Le ministre de la Justice d'alors, Perben, avait expliqué qu'il s'agissait d'aller vite, dans des affaires qui méritaient que justice soit faite rapidement, mais n'a pas donné les moyens qui auraient permis que ces belles paroles soient suivies d'effet.
Alors que ces affaires mettent sur la sellette des dirigeants d'entreprise et aussi des politiques, aucun n'a intérêt à ce qu'elles aboutissent. Cela leur a plutôt réussi, puisqu'à ce jour Eternit, principal pourvoyeur d'amiante du pays dans le passé, a échappé à tout procès en France.
On verra si la ministre de la Justice ira jusqu'au bout de ce qu'elle a laissé entendre. Mais, comme l'a souligné la juge elle-même, maintenir Marie-Odile Bertella-Geffroy à son poste serait une chose, mais encore faudrait-il lui donner les moyens de mener à bien ses instructions.