Prison : Zone de non-droit du travail14/02/20132013Journal/medias/journalnumero/images/2013/02/une2324.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Prison : Zone de non-droit du travail

Les Prud'hommes ont estimé qu'une détenue de la maison d'arrêt de Versailles licenciée par l'entreprise MKT Sociétal, une plate-forme téléphonique qui l'employait en prison, avait été victime d'une rupture abusive du contrat de travail.

Elle devrait donc obtenir le paiement d'un préavis de licenciement, le paiement des congés payés, des indemnités, ainsi que 3 000 euros de dommages et intérêts et 2 858 euros de rappels de salaire.

C'est une décision extrêmement rare car, selon la loi, le droit du travail ne s'applique pas en prison, mis à part les règles concernant l'hygiène et la sécurité. Les détenus n'ont droit ni au smic, ni au préavis de licenciement, ni à un arrêt maladie. Selon l'Observatoire international des prisons (OIP), ils peuvent travailler pour le service général (repas, bibliothèque) ou pour la régie industrielle des établissements pénitentiaires, en fabriquant des vêtements ou du mobilier. Ils peuvent enfin conditionner des objets dans leur cellule ou dans un atelier, en étant employés par des entreprises privées qui profitent de la situation en leur imposant des salaires de misère. Ces détenus doivent souvent se contenter de deux euros de l'heure ; 10 % de leur paye va à l'indemnisation des parties civiles, 10 % sont bloqués jusqu'à leur libération. Le reste leur permet d'acheter des produits alimentaires ou d'hygiène, des cigarettes.

S'occuper est indispensable pour résister à la démoralisation carcérale ; le travail maintient un lien social, des habitudes qui peuvent aider à préparer une réinsertion. Les trois quarts des détenus en sont pourtant privés. Quant au quart restant, il ajoute à sa privation de liberté une privation de ses droits de salarié.

La décision du conseil des prud'hommes risque donc d'être invalidée en appel ou par la Cour de cassation qui a déjà estimé en 1996, pour un cas similaire, que les Prud'hommes n'étaient pas compétents. Mais comme le dit une juriste de l'OIP, c'est déjà un « coup de pied dans la fourmilière ». À la sanction que représente la privation de liberté, il n'y a aucune raison d'ajouter celle d'être exploitable et corvéable à merci.

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