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Dans le monde
Afrique : Des États à l'image de l'ordre qu'ils défendent
La manière dont l'État malien s'est en partie effondré devant les groupes islamistes intégristes qui se sont installés au nord du pays est à l'image de la situation de déliquescence de bien des États africains, dont les soldats sont plus aptes à racketter les populations qu'à riposter à une agression. Et quand on voit cette situation de l'armée, on peut imaginer celle des routes, des transports, des hôpitaux, des dispensaires ou des centres de santé, dans un pays où un enfant sur dix meurt dans sa première année. Tel est le résultat de cinquante ans « d'amitié », comme dit Hollande, entre la France et ses anciennes colonies.
Elle y a mis en place et soutenu militairement des appareils d'État avant tout soumis aux intérêts des trusts et de l'État français, perméables à la corruption et aujourd'hui au bord de l'effondrement.
Lors d'une récente émission sur RFI, un auditeur malien expliquait ainsi la déroute de l'armée malienne dans le nord : « L'armée est minée par la corruption, les fonds pour l'achat des équipements sont détournés dans la plus totale impunité. Les soldats vivent dans des camps qui sont de véritables porcheries, pendant que les officiers supérieurs se pavanent dans leurs 4 x 4 climatisés. » Mais l'armée n'est pas un cas particulier. Dans un récent numéro de leur journal Le pouvoir aux travailleurs, nos camarades de l'Union africaine des travailleurs communistes internationalistes (UATCI-UCI) citent les témoignages de travailleurs maliens sur le racket auquel se livrent les policiers dans les cars en provenance de Bamako. Ils évoquent même un directeur d'école qui exigeait 25 000 francs CFA pour un certificat de scolarité, normalement gratuit. Ils concluaient : « L'exemple vient d'en haut. Les commandants de cercle, les généraux, les ministres et autres grands dignitaires se remplissent les poches et se payent des villas luxueuses en pratiquant la corruption, le racket, et le détournement d'argent public. Tout cela se fait directement ou indirectement sur le dos de la population pauvre, qui doit se défendre dans les difficultés de la vie quotidienne et qui s'enfonce de plus en plus dans la misère. Cela se fait aussi au détriment des infrastructures publiques qui se détériorent au fil des ans, car le peu d'argent qui est consacré à leur entretien est détourné. »
Lorsque la France a dû se résigner à accorder l'indépendance à ses colonies, elle l'a fait de façon à ce que ses trusts puissent continuer à exploiter les richesses de la zone. De simples limites administratives ont été transformées en frontières, créant de nouveaux États sans viabilité économique, voués à la pauvreté et incapables de traiter d'égal à égal avec les trusts français. L'action corruptrice de sociétés comme Elf, Bolloré ou Bouygues a pesé de tout son poids sur les nouveaux pays pour siphonner, moyennant de grosses commissions versées aux dirigeants, les ressources qui auraient dû servir à faire fonctionner les services publics. Ultime garantie, l'indépendance a été subordonnée à des accords militaires et au maintien de bases françaises faisant planer la menace d'une intervention sur les dirigeants qui voudraient s'émanciper de cette tutelle.
Récemment, la crise économique a encore aggravé ce délabrement des appareils d'État issus de la décolonisation. La spéculation sur les matières premières industrielles a rendu les ressources des États plus aléatoires, tandis que la hausse des aliments importés affamait les populations. Dans plusieurs pays, les guerres civiles ont créé des zones sans aucun contrôle, vouées à la seule mainmise de bandes armées.
Guerres et pillage, voilà ce que vaut à ces pays d'Afrique la prétendue amitié des puissances impérialistes, et de la France en particulier. Elle intervient aujourd'hui au Mali pour tenter de remettre de l'ordre dans ce chaos qu'elle a elle-même créé.