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Dans le monde
Espagne : « La santé, on ne la vend pas, on la défend ! »
Les travailleurs de la santé de toute l'Espagne manifestent dans la rue depuis des semaines. Les mesures d'austérité, qui se traduisent par des restrictions budgétaires dans le secteur public, mettent en cause la qualité des soins, placent les malades dans des situations difficiles et laissent présager d'autres attaques contre les travailleurs de ce secteur. Cela ne passe pas.
En Espagne, chaque Autonomie (comme on appelle les régions) a son propre budget et son système de gestion des services publics, dont celui de la santé. Mais toutes ont réduit leurs dépenses, et ces économies se font aux dépens de toute la société et profitent aux banques.
Le gouvernement central avait commencé par fermer l'accès aux soins au demi-million de sans-papiers. Puis il a remis en question la gratuité des médicaments, imposant le paiement d'une quote-part par les patients, y compris les chômeurs et les retraités. Récemment, les prothèses et les fauteuils roulants ont été concernés : les retraités doivent payer 10 % de leur prix, et les non-retraités bien plus encore. Se soigner coûte plus cher pour tout le monde.
Tous les gouvernements régionaux grappillent de la même façon sur le dos des malades. Cet été par exemple, le gouvernement catalan d'Arturo Mas a décidé de laisser à la charge des malades un euro par médicament prescrit : une mesure qui affecte plus particulièrement les personnes âgées et les malades chroniques. En Catalogne toujours, le budget de la santé est de 11,34 % inférieur à celui de 2010. Et le gouvernement de l'Autonomie de Madrid, comme ceux d'autres régions, avance à grands pas dans le même sens. Des services, des blocs opératoires ont été fermés et le temps d'attente pour être opéré s'est considérablement allongé. Des malades du cancer doivent parfois attendre 90 jours ou plus avant d'être opérés, un délai jugé à risque par les médecins. Bien des médecins et chirurgiens sont d'ailleurs les premiers à dénoncer ces temps d'attente.
Parallèlement, fin octobre, le gouvernement de la région de Madrid décidait de privatiser six des hôpitaux ouverts en 2008, autrement dit les plus modernes, ainsi que 10 % des centres de santé, et de donner au secteur privé les services non sanitaires, comme la restauration, le nettoyage ou la sécurité.
Tout cela provoque des réactions. Dans cette période marquée par le chômage et la baisse du niveau de vie, le système de santé restait pour beaucoup un élément important permettant de faire face à la maladie ou aux accidents. Aujourd'hui, cet acquis est remis en cause par les coupes budgétaires et la politique de privatisation. Et cela ne passe pas
À la consternation initiale a donc succédé la colère. Depuis, les mouvements de protestation des travailleurs du secteur hospitalier n'ont cessé de se développer. Début novembre, l'ensemble du personnel, des chirurgiens aux aides-soignants en passant par les services de restauration ou de nettoyage, ont organisé des « occupations », se retrouvant parfois une demi-heure, parfois deux fois par jour, devant les structures menacées, pour s'adresser à la population en expliquant que « la santé, on ne la vend pas, on la défend ! » Les témoins de ces actions exprimaient leur soutien à ce mouvement.
Fin novembre, le mouvement s'est généralisé, gagnant différentes villes. La presse parlait de « marées blanches » parcourant les rues. Les médecins ont entamé une grève illimitée début décembre et d'autres grèves de l'ensemble du secteur de la santé, tous métiers confondus, sont annoncées pour la semaine du 17 décembre. Il est clair que la privatisation ne peut aboutir qu'à une santé à deux vitesses pour la population, et à des licenciements et des conditions de travail dégradées pour le personnel. Pour l'instant, le gouvernement n'a reculé que pour l'hôpital La Princesa de Madrid, qu'il comptait démanteler.
La lutte contre le démantèlement du système de santé public est donc loin d'être finie.