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- Lutte ouvrière n°2314
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Leur société
Les « négociations » sur l'emploi : Le patronat à l'offensive contre le CDI
Le but des patrons est d'amasser du profit et leur organisation syndicale, le Medef, fait pression sur l'État pour que le cadre juridique, législatif et réglementaire leur soit le plus favorable possible. On peut dire que les représentants patronaux à la négociation sur la « sécurisation de l'emploi » sont à la hauteur de leur tâche. Lors de la sixième session de cette négociation, le vendredi 30 novembre, ils ont en effet proposé aux confédérations de signer, selon les mots de la CGT, « une régression sociale historique ».
Dès le préambule du projet, le patronat parle de « sécuriser le parcours professionnel en créant des droits attachés non au statut mais à la personne ». Les droits attachés au statut, c'est-à-dire à l'emploi, sont ceux qui sont financés par l'entreprise, les droits attachés à la personne sont ceux qui sont financés par la collectivité tout entière, c'est-à-dire en fait par les seuls travailleurs. Sous cette phrase prétendument philosophique se cache donc la volonté patronale de réduire encore et toujours la part des salaires dans la richesse produite. Le gouvernement Ayrault vient déjà d'exonérer le patronat de vingt milliards d'euros de cotisations sociales, le Medef veut maintenant être débarrassé des primes de licenciement, des frais de procès intentés par des salariés, des cotisations pour la formation, des frais de rupture de contrat, de la part minime payée par les patrons en cas de chômage partiel, etc. Les patrons veulent en plus avoir le droit de baisser salaire et temps de travail à leur guise et, tant qu'on y est, de licencier sans indemnité les travailleurs qui n'accepteraient pas de se plier à leurs diktats en matière d'organisation du travail.
Enfin, les patrons veulent en finir avec le contrat de travail à durée indéterminée (CDI), ce contrat qui oblige le patron voulant licencier un travailleur à invoquer un motif sérieux, ou bien, en cas de licenciement collectif, à entamer une procédure. Pour les nouveaux embauchés, le patronat propose donc des « CDI intermittents » voire un « CDI de projet », le CDI qui ne dure que le temps d'un travail déterminé.
Enfin, pour ce qui est des travailleurs bénéficiant actuellement d'un CDI, le patronat veut pouvoir licencier qui et quand il veut, et sans frais.
Le projet tient en douze pages, plus les annexes juridiques. Tout ce qui concerne les demandes du patronat est rédigé, détaillé et prêt à la signature. En revanche les négociateurs patronaux ne se sont même pas donné la peine de rédiger les parties censées donner des contreparties aux directions syndicales les moins regardantes, se contentant de têtes de chapitres, renvoyant à des discussions ultérieures.
On aurait pu croire que ce camouflet piquerait au vif les dirigeants syndicaux. Eh bien même pas. Pour la CFDT il s'agit là « d'un vrai document de travail qui permet de rentrer dans la discussion ». Le représentant de FO, quelle clairvoyance, a contesté que les propositions du Medef constituent de nouveaux droits pour les travailleurs. Ceux de la CGT appellent quant à eux à manifester devant les sièges du Medef le 13 décembre pour soutenir leur délégation, alors que c'est la discussion même sur cette base qui n'a aucun sens.
En attendant, les soi-disant négociations continuent et certains dirigeants syndicaux finiront sans doute par mettre leur signature au bas du projet patronal. S'il ne s'en trouve pas suffisamment, le gouvernement reprendra le texte du Medef sous forme de loi, comme Hollande l'avait indiqué en préalable à toute cette comédie.
Le patronat veut évidemment profiter de la conjoncture politique et de l'appui qu'il peut trouver de la part du gouvernement pour remettre en cause toute une série de droits des travailleurs. Le minimum qu'on pourrait attendre des dirigeants syndicaux serait qu'ils disent cette vérité et qu'ils préparent les travailleurs à se défendre. Mais, en participant à la sinistre comédie de ces négociations, les directions syndicales ne font pas que perdre leur temps : elles contribuent à désarmer ceux qu'elles prétendent représenter.