Mediator : Dans la saga de la recherche du profit un épisode de plus28/11/20122012Journal/medias/journalnumero/images/2012/11/une2313.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Mediator : Dans la saga de la recherche du profit un épisode de plus

Un nouvel épisode ajoute au cynisme, au mensonge et à la responsabilité de Jacques Servier dans la sordide affaire du Mediator.Selon une enquête menée par Le Parisien, bien avant la commercialisation du produit, alors que la molécule n'en était encore qu'à la phase d'étude, le laboratoire savait que ce médicament était un coupe-faim et envisageait de le lancer comme tel. Pour la seule raison que c'est un marché porteur.

En 1976, le Mediator a été lancé pour traiter le diabète. Mais il a vite été reconnu pour son efficacité comme coupe-faim. Dans les années qui ont suivi, d'autres médicaments de la même famille chimique ont été mis sur le marché pour aider à perdre du poids. Ce fut le cas, entre autres, de l'Isoméride commercialisé par le même Servier. Plus tard, dans les années 1990, tous les médicaments de cette classe chimique ont progressivement été retirés du marché en raison de la découverte de leurs effets indésirables, rares mais graves, sur le coeur. En 1997, ils étaient donc tous interdits. Sauf le Mediator qui, lui, est resté, puisque son indication officielle n'était pas l'amaigrissement mais le diabète.

On connaît la suite. Pendant douze années supplémentaires, le Mediator a été prescrit. Pourtant, entre-temps, des médecins ont mis en garde contre son utilisation, signalé son peu d'efficacité thérapeutique comme antidiabétique, averti de l'éventualité d'effets secondaires graves, demandé des compléments d'études. Rien n'y a fait. Il a continué à être fabriqué, prescrit, vendu. 500 à 2 000 personnes l'ont payé de leur vie. Il a fallu toute la détermination d'Irène Frachon, une pneumologue de l'hôpital de Brest, pour qu'enfin en novembre 2009, au terme des conclusions accablantes de l'étude qu'elle a menée, ce poison soit enfin interdit.

Depuis deux ans que la justice demande enfin des comptes à Servier, lui et ses serviteurs jurent leurs grands dieux qu'ils ignoraient initialement que Mediator était un coupe-faim et que donc il aurait dû être retiré du marché en 1997 avec tous les autres coupe-faim. C'est là qu'un document interne, datant de 1969, apporte la preuve de l'imposture. Sept ans avant que le médicament ait été mis sur le marché, alors que la molécule n'en était encore qu'à la phase des études, cette note propose comme « indication possible » au médicament « les personnes soucieuses de leur ligne et de leur poids ». Et d'ajouter : « Il s'agit là d'une population qui ne se considère pas comme malade. Peut-on convaincre le médecin de conseiller à tous ces sujets un régulateur pondéral lorsqu'ils viennent le consulter ? » En clair : si on veut faire des sous, il va falloir faire prescrire les médecins.

C'est cela un médicament : une molécule conçue pour soigner, des années d'études, des compétences, des savoir-faire, des effets thérapeutiques, une efficacité mais aussi... une stratégie marketing. Et la note de Servier est éloquente sur ce point : « Avec 380 000 unités par mois en moyenne, il (le futur Mediator) représente en 1969 21,7 millions de francs par an. À notre avis, il peut prendre 25 à 30 % du marché. » C'est cette logique qui consiste à vendre, pas seulement pour soigner mais pour réaliser le maximum de profits, qui a fini par tuer.

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