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Leur société
Dégazage, déballastage et autres : Des pollutions... très ordinaires
On parle toujours des marées noires lorsqu'il s'en produit. Les catastrophes de l'Exxon Valdez, du Prestige, du Torrey Canyon, de l'Amoco Cadiz, de l'Erika, parmi tant d'autres, ont été spectaculaires et ont provoqué l'indignation publique.
Mais la pollution des mers ne se limite pas à ces catastrophes. Chaque jour, et surtout chaque nuit, moment où les délits sont pratiquement invisibles, de nombreux navires rejettent des résidus pétroliers. Sur les mers et les océans naviguent une cinquantaine de milliers de navires commerciaux, sans compter de plus petits navires, dont ceux destinés à la pêche. La plupart, à un moment ou un autre, rejettent des hydrocarbures polluants. Les pétroliers d'abord se débarrassent des résidus dits de dégazage. Il s'agit de lambeaux d'hydrocarbures qui adhèrent aux parois après le vidage d'un navire pétrolier. Ces résidus sont dangereux car des émanations de gaz peuvent s'en dégager et faire exploser le navire. D'où le nom de dégazage donné à l'opération qui consiste à nettoyer à l'eau de mer l'intérieur des citernes. L'ensemble eau + déchets pétroliers étant le plus souvent rejeté ensuite par-dessus bord.
Le déballastage abouti à un résultat semblable. Pour que les pétroliers une fois vides soient correctement lestés, on les remplit souvent en partie d'eau de mer : le ballast. Mais à la fin il faut bien se débarrasser dudit ballast, pollué par des résidus. Il est donc la plupart du temps rejeté lui aussi par-dessus bord.
Quasiment tous les navires, non seulement les gros navires de commerce, mais même parfois ceux qui semblent inoffensifs comme les navires de pêche, embarquent pour leur moteur des fiouls, souvent de mauvaise qualité, qu'il faut passer dans une centrifugeuse. D'où des résidus qui sont généralement eux aussi rejetés dans les mers et les océans. Et il existe encore d'autres sources de résidus...
Même si certains ports sont équipés pour faire du dégazage et autres traitements des navires, ce n'est pas le cas de tous, et de toute façon peu de navires utilisent ces installations. Pour les armateurs, c'est du temps et de l'argent perdus... alors on dégaze, on déballaste et on envoie tous les résidus dans l'eau salée d'autant plus allègrement qu'il est rare d'être pris.
Le volume de cette pollution quotidienne et généralisée est évidemment impossible à chiffrer puisque tout se fait en cachette. Mais on estime qu'un million à 1,5 million de tonnes de produits pétroliers polluent ainsi chaque année les mers et les océans. Cela représente environ au minimum dix fois plus que les marées noires.
Les mers du globe, bonnes filles, arrivent à « digérer » une partie de tous ces déchets, mais pas tous et pas partout. Ainsi des mers en partie fermées comme la mer Baltique ou la mer Méditerranée sont plus gravement atteintes.
Pour empêcher cette pollution généralisée, il suffirait que chaque navire ait l'obligation de dégazer, déballaster ou de faire tout traitement nécessaire dans un port et qu'il lui soit interdit de naviguer sans en avoir fourni la preuve.
Cela impliquerait bien entendu que les ports soient tous équipés de stations de dégazage et autres. Techniquement c'est assez simple. Mais politiquement c'est impossible dans la situation actuelle. Il faudrait en effet une décision internationale, sans laquelle un pays qui voudrait imposer seul de telles obligations risquerait d'être boycotté par les armateurs. Or les principales puissances maritimes et leurs prête-noms des pays à pavillons de complaisance n'ont nulle intention de faire de la peine aux armateurs.