Eternit et l'amiante : Une justice à deux vitesses20/09/20122012Journal/medias/journalnumero/images/2012/09/une2303.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Eternit et l'amiante : Une justice à deux vitesses

« C'est le monde à l'envers », a déclaré l'Andeva, l'Association d'aide aux victimes de l'amiante, à propos de l'accusation de diffamation à l'encontre d'un de ses avocats par des dirigeants d'Eternit, pour un article écrit l'an dernier lors du jugement de Turin qui avait abouti à leur condamnation.

Force est de constater que la justice française, ou plus précisément le Parquet, sous les ordres du gouvernement, est plus prompt à intervenir pour défendre les intérêts d'un groupe qui pendant des décennies a exposé la santé et la vie des travailleurs de l'amiante et de la population environnante, qu'à répondre aux plaintes des victimes.

Si les tribunaux des affaires de Sécurité sociale rendent des jugements favorables aux victimes, ce qui leur permet d'être indemnisées, la justice pénale, elle, fait traîner les choses en longueur quand il s'agit d'incriminer les responsables.

La première plainte déposée par des victimes date de 1996. À ce jour, l'instruction n'est toujours pas terminée et nul ne sait quand, et si, un procès aura lieu un jour.

Avec la création du Pôle de santé publique au sein de la justice et la nomination de la juge Marie-Odile Bertella-Geffroy chargée des dossiers amiante, les choses avaient pourtant semblé s'accélérer. En novembre 2009, elle mettait six dirigeants d'Eternit-France en examen pour « homicides et blessures involontaires ». Or, deux ans plus tard, en décembre 2011, la cour d'appel de Paris a annulé ces mises en examen sous le motif de « l'insuffisance de précision sur la période couvrant les faits reprochés ». Car contrairement à la loi italienne qui, reconnaissant le délit de « désastre environnemental », a permis à la justice de condamner à seize ans de prison les deux principaux dirigeants du groupe Eternit, la loi française est ainsi faite qu'il faut prouver que tel dirigeant était en poste dans telle usine lorsqu'un travailleur a contracté telle maladie, ce qui s'avère impossible dans le cas du mésothéliome, qui peut se déclarer des années après l'exposition ! Cette même cour a aussi dessaisi la juge du dossier Eternit, les 44 volumes étant attribués à deux autres juges du Pôle de santé publique... croulant déjà sous le dossier du Mediator.

Derniers épisodes : en janvier 2012, la juge Bertella-Geffroy, toujours chargée d'autres dossiers amiante, dont celui de la faculté de Jussieu, mettait en examen quatre membres du CPA et, en juin 2012, la Cour de cassation a cassé la décision de la cour d'appel de Paris qui annulait les mises en examen des dirigeants d'Eternit-France.

Les dirigeants du groupe, leurs sous-fifres des usines françaises et ceux qui les ont protégés bien que connaissant les dangers mortels de l'amiante, seront-ils un jour jugés en France et condamnés à payer pour les morts, passés et à venir ? On peut se le demander. En attendant, l'avocat des victimes, lui, se retrouve bel et bien sur le banc des accusés.

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