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Syrie : Dans un pays en guerre civile la population prise en otage
Dans un entretien sur BFMTV, le général syrien Manaf Tlass, à ce jour le plus haut gradé de l'armée de Bachar El-Assad à avoir fait défection cet été, a déclaré que « le peuple syrien est capable de se libérer lui-même » et ne veut être « libéré ni par la France, ni par les États-Unis, ni par la Turquie ». En faisant cette déclaration au moment où le secrétaire général de l'OTAN rappelait que celle-ci « n'a nulle intention d'intervenir militairement », ce général montre au moins qu'il comprend bien les choix des grandes puissances.
Cette déclaration faisait suite à celles des États-Unis et de la France à propos des armes chimiques que le régime syrien pourrait être tenté d'utiliser contre sa population dans son escalade répressive. Les dirigeants américains et français ont en effet averti le régime syrien que, s'il utilisait des armes chimiques contre la population, ils pourraient intervenir ; a contrario, ces déclarations pouvaient aussi s'entendre comme la notification cynique de la limite que le régime ne doit pas franchir dans la répression qu'il mène depuis un an et demi et qui a déjà fait 27 000 victimes et chassé de chez eux plus de deux cent mille réfugiés.
La dictature syrienne continue donc d'utiliser les armes conventionnelles, bombardant les villes ou les quartiers qui continuent de la défier. À Alep, elle fait raser les quartiers repris à l'Armée syrienne de libération (ASL) dans l'espoir de retourner la colère de la population contre cette armée rebelle.
De son côté, l'ASL elle-même ne se soucie guère de cette population, comme le montre toute sa tactique. Alors qu'à la suite du « printemps arabe » début 2011, des manifestations populaires s'étaient développées dans toute la Syrie, ces groupes armés composés de militants islamistes ou d'anciens fidèles du régime d'Assad et bénéficiant de l'aide plus ou moins ouverte de la Turquie ou de l'Arabie saoudite, ont lancé le combat armé contre le régime d'Assad. Ils ont occupé des quartiers ou des villes, quel que soit le prix à payer pour leur population, ne laissant plus à celle-ci que le choix entre la fuite ou la mort sous les bombes.
Dans la situation de véritable guerre civile qui s'est maintenant créée, les puissances impérialistes sont d'autant plus attentistes qu'elles sont toujours à la recherche de l'équipe qui pourrait succéder au clan actuel. L'ASL leur semble de toute façon peu contrôlable, c'est pourquoi elles refusent de lui donner les équipements lourds qu'elle réclame, par crainte d'armer des groupes qui pourraient s'avérer hostiles ensuite, mésaventures qu'elles ont connues en Afghanistan et qu'elles vivent à nouveau en Libye.
Les gouvernements occidentaux cherchent des interlocuteurs qui leur permettraient de remplacer ou de concurrencer le clan Assad en gardant le contrôle de la région. Le général cité plus haut, l'ancien Premier ministre qui a fait défection auparavant pourraient faire l'affaire, à condition qu'ils aient des troupes sous leur contrôle et quelque crédit auprès de la population, c'est ce que les puissances impérialistes veulent d'abord mesurer.
En attendant, l'ONU a lancé un nouveau ballet diplomatique et chargé le ministre algérien Lakhdar Brahimi de renouer le dialogue entre le régime et l'ASL, une mission qu'il qualifie lui-même de « presque impossible » et qui n'est là que pour tenter de donner le change encore quelques semaines ou quelques mois.
Et si un jour une « solution politique » finit par être trouvée, ce sera peut-être dans un pays détruit, divisé entre les zones d'influence de différentes cliques militaires, partageant en tout cas le même mépris pour la population syrienne et ses aspirations démocratiques et sociales.