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Mayotte : Drames de l'immigration et responsabilité de l'État français
Samedi 8 septembre, une embarcation a fait naufrage près des côtes de l'île française de Mayotte. Bilan : sept morts et 26 disparus. Trente-six personnes avaient pris place à bord d'une de ces longues barques appelées kwassa-kwassa, partie dans la nuit de l'île comorienne d'Anjouan située à 70 kilomètres de Mayotte. C'est le cinquième drame survenu depuis le début de l'année 2012, au cours de laquelle 27 personnes ont péri noyées et 66 ont été portées disparues, en fait bien plus.
Le ministre de l'Outre-mer, Victorin Lurel, s'est dit « ému » mais a tenu à rappeler la nécessité que soit menée à bien la mission confiée à l'envoyé du gouvernement Hollande chargé de rendre un rapport sur la question de l'immigration dite clandestine à Mayotte. À en croire cet envoyé, le gouvernement français n'aurait pas l'intention d'assouplir sa politique vis-à-vis de l'immigration à Mayotte. L'envoyé du gouvernement a fermement dit début septembre qu'il ne supprimera pas le visa Balladur, instauré en 1995 et qui avait mis fin à la libre circulation des personnes entre les îles de l'archipel des Comores et Mayotte.
Les Comoriens, fuyant la misère en espérant trouver une vie meilleure à Mayotte, ou ne serait-ce qu'y retrouver leur famille, sont et resteront donc contraints à devoir faire une traversée au péril de leur vie, comme cela se passe au large des Canaries ou dans le détroit de Sicile où des dizaines de Tunisiens viennent encore de perdre la vie. Les migrants savent qu'ils prennent un risque mortel en s'entassant sur des embarcations de fortune. Ils savent que pour rentabiliser le voyage les passeurs y entassent toujours plus de gens. Ils savent que certains passeurs n'hésitent pas à jeter des personnes par-dessus bord, et même des enfants si leurs cris font courir un risque au pilote de se faire repérer. C'est dire dans quelle situation de désespoir se trouvent ces migrants.
Certaines associations estiment que depuis 1995, année de l'instauration du visa, le nombre de clandestins morts en mer en tentant la traversée vers Mayotte avoisinerait en fait les 10 000, ce qui correspondrait à 1 % de la population de l'Union des Comores.
Pour ceux qui survivent aux dangers de la traversée, l'enfer continue une fois sur le sol français. À Mayotte, ceux qui sont considérés comme étant des clandestins vivent la peur au ventre. Certains logent dans les bois pour échapper à la police. Dans des cases d'une seule pièce s'entassent des familles entières, sans accès à l'eau ni à l'électricité. Ces migrants sont exploités dans le bâtiment, l'agriculture et les services comme le ménage pour des salaires de misère. Même aller se faire soigner à l'hôpital, c'est prendre le risque de se faire arrêter.
La police de Mayotte peut s'enorgueillir d'avoir permis la moitié des reconduites à la frontière effectuées en France, soit plus de 20 000 par an. Plus précisément, en 2011, il y a eu 22 405 expulsions, dont 5 385 enfants. Être mineur, quand bien même on est né à Mayotte mais souvent sans la possibilité de le prouver puisque la mise en place de l'État civil est récente, n'est pas une garantie pour éviter d'être expulsé. Sur l'île, cinq mille enfants sont livrés à eux-mêmes, leurs parents ayant été reconduits à la frontière bien souvent après avoir purgé une peine dans le centre de rétention administrative de la capitale Mamoudzou, où les conditions sont extrêmement difficiles.
Le 16 août dernier, un nourrisson de deux mois y a perdu la vie après avoir été capturé avec sa mère. L'État français porte une lourde responsabilité dans cette mort. En effet, si Mayotte n'avait pas été exclue de la circulaire gouvernementale du 7 juillet 2012 recommandant l'assignation des familles de sans-papiers avec enfant en résidence plutôt que dans les centres de rétention, cette mort aurait été évitée.
Après ce drame, le ministre de l'Outre-mer n'a rien trouvé de mieux que de seulement promettre la création d'un deuxième centre de rétention en 2015. Une honte !