Santé au travail : Une chercheuse dénonce l'impunité patronale10/08/20122012Journal/medias/journalnumero/images/2012/08/une2297.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Santé au travail : Une chercheuse dénonce l'impunité patronale

Annie Thébaud-Mony, directrice de recherche à l'Inserm, spécialiste des cancers d'origine professionnelle, a refusé la nomination au grade de chevalier de la Légion d'honneur que souhaitait lui décerner Cécile Duflot, ministre de l'Égalité, des Territoires et du Logement.

Dans une lettre qu'elle a rendue publique, elle a expliqué ses raisons : « Au terme de trente ans d'activité, il me faut constater que les conditions de travail ne cessent de se dégrader, que la prise de conscience du désastre sanitaire de l'amiante n'a pas conduit à une stratégie de lutte contre l'épidémie des cancers professionnels et environnementaux, que la sous-traitance des risques fait supporter par les plus démunis des travailleurs, salariés ou non, dans l'industrie, l'agriculture, les services et la fonction publique, un cumul de risques physiques, organisationnels et psychologiques, dans une terrible indifférence. » Elle dénonce aussi « l'impunité qui jusqu'à ce jour protège les responsables de crimes industriels » et indique que la reconnaissance qu'elle appelle de ses voeux serait de voir « la justice française condamner les crimes industriels à la mesure de leurs conséquences, pour qu'enfin la prévention devienne réalité ».

Un de ses ouvrages paru en 2008, Travailler peut nuire gravement à votre santé, dénonçait déjà les dangers physiques liés au développement de la sous-traitance et du travail temporaire, alors que les donneurs d'ordres comme Total, lors de l'explosion de l'usine AZF à Toulouse, n'étaient pas poursuivis. Elle décrivait aussi la résistance des industriels français à l'encadrement de l'usage des substances chimiques nocives et le scandale de la silicose et des cancers liés à l'amiante, la délocalisation dans les pays pauvres comme l'Inde de chantiers de désamiantage, qui condamne des milliers de travailleurs et leurs familles à une mort quasi certaine.

Annie Thébaud-Mony interpelle la ministre et lui indique que « des politiques publiques doivent devenir le rempart à la mise en danger d'autrui, y compris en matière pénale ».

Ce rappel est malheureusement d'autant plus nécessaire que la législation récente, y compris concernant la santé au travail, va dans le sens de l'impunité et de l'irresponsabilité patronales. Ainsi le 2 mai dernier un arrêté pris par le précédent gouvernement a annulé toutes les dispositions de contrôle renforcé des maladies professionnelles existant dans le pays, pour les travailleurs exposés par exemple à la silicose, l'amiante, l'arsenic et autres. Le ministre du Travail Michel Sapin a été saisi le 16 juin dernier entre autres par l'association Sauvons la médecine du travail à propos de cet arrêté scandaleux et plus généralement de la démolition de la médecine du travail orchestrée par le Medef. Mais, à ce jour, le nouveau gouvernement n'a pris aucune mesure. Il faudrait en effet s'opposer au patronat, et distribuer des médailles ne remplace pas une politique.

Partager